La bataille autour de l'interdiction de propagande pour le vapotage s'étend au Conseil d'État

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Publié le 21/07/2016
Ecigarette

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Crédit photo : Phanie

Les associations Sovape, Fédération Addiction, Respadd (réseau de prévention des addictions), SOS addictions et Tabac & Liberté ont engagé mardi 20 juillet un recours auprès du Conseil d'État contre les dispositions prises par l'État pour réglementer la propagande et la publicité autour du vapotage.

L'article ciblé par ce recours est l’article 1er de l’ordonnance du 19 mai 2016 portant sur la transposition de la directive européenne sur la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac et des produits connexes désignation des services spécialisés.

Selon cette ordonnance, toute communication sur les produits du vapotage est susceptible d'être attaquée par toute personne ayant un intérêt, qu'il s'agisse de l'État, d'une association ou même un buraliste, avec à la clé une amende pouvant aller jusqu'à 100 000 euros. Les « dispositions litigieuses » de cet article « ont notamment pour effet d’interdire toute action d’information visant les fumeurs majeurs souhaitant arrêter leur consommation de tabac par le recours aux produits du vapotage », peut-on lire dans la requête introduite par les associations.

Un climat de crainte

La menace n'est pas que théorique : en avril 2016, une association antitabac avait déposé une plainte contre une boutique vendant des e-cigarettes, au motif qu'elle faisait la propagande du tabac, selon un témoignage recueilli par le site vapyou. « Nous n'avons pas identifié de personne physique ou morale qui serait susceptible de porter plainte contre la promotion faite au vapotage, reconnaît le psychologue clinicien Jean-Pierre Couteron, par ailleurs président de la Fédération Addiction, mais le flou entretenu par la loi va refréner la communication autour du vapotage et empêcher d'avoir un débat serein autour de son intérêt comme aide à l'arrêt du tabac. Il faut que l'on puisse sereinement présenter aux fumeurs les avantages et les inconvenients de cette méthode sans craindre une accusation de propagande ».

Le 9 mai dernier, le président de Sovape, Jacques Le Houezec, avait organisé au Centre national des arts et métiers, le 1er sommet de la Vape. « Ce texte met en danger l'organisation d'un nouveau sommet l'année prochaine, craint-il, on voit déjà des associations qui commencent à réduire la voilure de leur communication de peur des conséquences ».

Le dépôt du recours contre l'ordonnance n'est pas suspensif. Le référé, c’est-à-dire la procédure d'urgence visant à suspendre les effets de la décision administrative attaquée sera audiencé le 22 août au Conseil d'État.

Un comité technique se penche (lentement) sur la question

Cet article de loi doit être au centre des discussions menées au sein du comité technique rassemblé par la Direction générale de la santé (DGS) afin d'aider le ministère à finaliser les textes concernant l'ordonnance du 20 mai. Pour Jacques Le Houezec, qui a participé à la première réunion de ce groupe de travail le 7 juillet dernier, le processus est trop long « Nous n'avons procédé pour l'instant qu'à un tour de table, explique le neurobiologiste, et nous devons nous réunir une nouvelle fois en septembre prochain. C'est trop long. L'ordonnance du 20 mai sera déjà appliquée. »

Jean-Pierre Couteron estime que ce recours ne va pas à l'encontre du travail entamé par le comité technique. « Nous soutenons la politique anti tabac de Marisol Touraine, et nous sommes contents qu'il y ait ce groupe de travail, précise-t-il, mais le temps du groupe de travail n'est pas le même que celui de la santé publique, il nous paraissait important de marquer notre position. »

Un taux de cessation de plus de 35 % selon une étude

Ces événements interviennent peu de temps après la publication dans la revue « Addiction » de résultats spectaculaires d'une étude à laquelle a participé Jacques Le Houezec, par ailleurs neurobiologiste au sein de l'unité INSERM 1178 « Santé mentale et santé publique ».

Les chercheurs ont analysé les données de l'eurobaromètre 2014, « il s'agit de la première édition ou la Commission européenne fait la distinction entre les gens qui ont expérimenté la cigarette électronique et ceux qui sont des utilisateurs actuels, explique Jacques Le Houezec, ce qui nous permet d'isoler les utilisateurs réguliers et de mesurer le taux d'arrêt du tabac dans cette population. »

Parmi les 27 460 Européens interrogés dans 28 pays différents, 31,1 % avaient déjà utilisé la cigarette électronique. Ramené à l'ensemble de la population, cela signifie que 48,5 millions d'habitants de l'Union Européenne ont déjà essayé la cigarette électronique, et 7,5 millions sont des utilisateurs actuels. Parmi les utilisateurs actuels, 35,1 % ont arrêté de fumer et 32,2 % ont réduit leur consommation tabagique.

« C'est un taux d'arrêt exceptionnellement élevé, commente Jacques Le Houezec, avec d'autres moyens de substitution, nous obtenons des taux d'arrêt de l'ordre de 20 % dans les essais randomisés, et des taux bien moins élevés en situation réelle, comme celle décrite par nos résultats. »

Autre information notée par les auteurs : seulement 1,3 % des personnes qui n'ont jamais fumé de cigarette ont tenté la cigarette électronique, battant en brèche l'idée qui veut que la cigarette électronique soit une porte d'entrée vers le tabac.

Ces résultats sont à prendre avec précaution, selon une autre étude parue plus récemment dans le « Canadian Medical Association Journal », et menée sur plus de 2000 adolescents canadiens, la cigarette électronique est avant tout un objet de standing social pour les adolescents qui l'utilise peut pour arrêter de fumer. Partant de ce constat, les auteurs craignent que la cigarette électronique ne soit devenue qu'un nouveau comportement addictif.


Source : lequotidiendumedecin.fr