Dépendance à l’alcool

La prise en charge encore insuffisante

Publié le 19/03/2015
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44% des dépendants à l'alcool disent avoir attendu 2 à 5 ans avant de demander de l'aide

44% des dépendants à l'alcool disent avoir attendu 2 à 5 ans avant de demander de l'aide
Crédit photo : PHANIE

Les patients dépendants à l’alcool ne se sentent pas assez pris en charge, selon les résultats du sondage miroir commandé à Opinion Way par le laboratoire Lundbeck, et mené auprès de 91 médecins généralistes d’une part, et sur 1 940 personnes non-médecin d’autre part, dont 532 ont ou ont eu un problème avec l’alcool.

Selon cette enquête, 85 % des buveurs actuels déclarent ne bénéficier d’aucun accompagnement et seulement 3 % d’entre eux se sont vus prescrire un médicament. Parmi les personnes qui ont souffert de dépendance à l’alcool dans le passé, 77 % n’ont bénéficié d’aucun accompagnement, et seuls 5 % se sont vus prescrire un médicament.

Le sondage révèle cependant que la dépendance à l’alcool est désormais bien considérée comme une pathologie : 89 % des patients estiment en effet qu’il s’agit d’une « vraie maladie », même si 74 % d’entre eux déplorent un manque d’information sur le sujet.

L’alcool reste pourtant un sujet tabou pour 60 % des médecins généralistes interrogés, tandis que 80 % des patients pensent qu’il n’est pas du tout possible d’en parler avec son médecin. La conséquence de ce dialogue difficile est que seulement 15 % des patients actuels, et 16 % des patients anciennement concernés, se sont adressés à un médecin généraliste. De plus, 44 % des patients dépendant à l’alcool ont affirmé avoir attendu entre 2 et 5 ans avant de solliciter de l’aide. La plupart d’entre eux ne l’ont fait que lorsque la consommation d’alcool commençait à avoir un retentissement sur leur vie quotidienne ou leur santé.

L’alcool : un sujet « pas assez sexy »

Selon le Pr Amine Benyamina, psychiatre de la consultation d’addictologie de l’hôpital Paul Brousse, « nous n’avons quasiment pas, en France, d’étude en population générale de ce genre sur la consommation problématique d’alcool. Si l’on veut faire un article, on est obligé de faire appel à des référentiels provenant d’études anglo-saxonnes qui ne sont pas le reflet du comportement hexagonal. » Pour ce spécialiste, qui dirige par ailleurs la revue de la Société française d’addictologie, « la consommation d’alcool n’est pas une problématique assez "sexy" pour nos décideurs. Elle n’est pas assez technique et n’apporte pas assez de prestige à la médecine française. Elle est donc très mal étudiée. »

25 000 à 30 000 prescriptions de nalméfène

Le laboratoire Lundbeck a également donné les premières estimations de la dispensation de son médicament, le Selincro (nalméfène), disponible depuis septembre. « Nous ne disposons pas encore de chiffres très précis, explique Nicolas Giraud, directeur général de Lundbeck France, mais nous savons qu’une prescription de Selincro a été faite à entre 25 000 et 30 000 patients, en majorité par des spécialistes. Nous savons aussi que les patients qui prennent du Selincro consommaient en moyenne 10 verres par jours avec plus de 22 épisodes de consommation aiguë par mois. »

Selon une évaluation de la HAS, environs 280 000 patients entrent dans les indications de prescription du nalméfène : une dépendance à l’alcool avec une consommation de plus de 6 verres par jour qu’ils ne parviennent pas à réduire.

Une évaluation est actuellement en cours sur plus de 1 000 patients prenant du Selincro, menée par Lundbeck et la HAS, afin de confirmer que l’efficacité observée lors des essais cliniques se vérifie « dans la vie réelle » au bout d’un an de suivi.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du Médecin: 9396