Différentes formes
La cocaïne existe sous différentes formes (chlorhydrate de cocaïne ou poudre ; cocaïne base (crack, freebase) ou cailloux). Elle se consomme par voie intranasale (voie la plus populaire), se fume (cocaïne base) ou s’injecte par voie intraveineuse (phénomène plus rare). Les effets psychoactifs de cette drogue varient en fonction de la dose consommée, de la voie d’administration (les voies intraveineuses et fumée sont identiques sur le plan pharmacocinétique et les plus rapides d’action) et des individus. La population de sujets consommant de la cocaïne est très hétérogène. Elle comprend d’une part des sujets non dépendants regroupant des usagers occasionnels, des usagers compulsifs, des abuseurs de cocaïne et d’autre part des sujets dépendants. Les trajectoires de consommation sont marquées par une discontinuité sauf pour les sujets sévèrement touchés par cette addiction.
Profil type
Le profil type du patient qui vient consulter au Centre d’enseignement, de recherche et de traitement des addictions (www.centredesaddictions.org), à l’hôpital Pau-Brousse de Villejuif est le suivant : sex-ratio hommes/femmes de 5/1 ; âge de début de la consommation entre 15 et 24 ans ; âge moyen de la dépendance à 31 ans ; voie intranasale prédominante suivie de la voie fumée ; meilleure insertion sociale des usagers par voie intranasale comparée aux fumeurs de cocaïne base. Ces données épidémiologiques et cliniques sont proches de celles retrouvées par l’OEDT. Elles contrastent avec les résultats de l’enquête NEMO, réalisée en Martinique et publiée en 2007, où la majorité des patients sont consommateurs de cocaïne base et 33 % sont sans domicile fixe.
Alors que cela peut prendre plusieurs années pour qu’un sujet devienne dépendant à l’alcool ou aux benzodiazépines, la dépendance à la cocaïne s’installe classiquement plus rapidement. Cette maladie multifactorielle aux manifestations variables devient progressivement sévère surtout chez les sujets les plus vulnérables.
Différentes phases
Les différentes phases cliniques de l’addiction à la cocaïne s’inscrivent dans un cycle comprenant l’intoxication aiguë avec une euphorie, une dysrégulation hédonique (syndrome de sevrage avec manifestations psychologiques évoquant des symptômes dépressifs et manifestations physiques aspécifiques), un craving (déclenché par la cocaïne, les émotions positives ou négatives, l’environnement, le matériel habituellement utilisé pour consommer encore appelé cocaïne paraphernalia), la perte de contrôle avec un déficit de prise de décision, la recherche de produit avec de multiples prises de risque.
L’évaluation clinique du patient doit comprendre de manière systématique les principaux antécédents personnels et familiaux, l’histoire de la consommation, l’âge de début des consommations, la fréquence, les quantités consommées (en g/semaine), les sommes dépensées, la principale voie d’administration et la nature de l’environnement. Il faut également repérer les conduites ou situations à risque (viral, sexuel…) et les conséquences et comorbidités psychiatriques, addictologiques et somatiques.
Evaluation clinique
Un examen clinique complet doit être réalisé et certains examens complémentaires doivent être prescrits de manière quasi systématique : bilan biologique, ECG, échographie cardiaque transthoracique, radiographie pulmonaire (si cocaïne fumée), examen ORL (si usage intranasal), sérologies hépatites B, C, VIH (avec accord du patient). D’autres examens seront à envisager en fonction des résultats de l’examen clinique.
La cocaïne est pourvoyeuse de troubles cognitifs touchant les fonctions mnésiques, attentionnelles, et les fonctions exécutives comme la prise de décision. Ces altérations neuropsychologiques ont un retentissement direct sur l’observance thérapeutique. Il paraît donc nécessaire d’évaluer précocement ces fonctions neurocognitives à l’aide d’une batterie de tests spécifiques.
Au cours de la prise en charge, différents facteurs doivent être évalués. Ils comprennent :
- la réduction de la consommation (rapportée par le patient, tests urinaires),
- le craving (échelle visuelle analogique, Cocaïne Craving Questionnaire…),
- les symptômes de sevrage (questionnaire avec les différents symptômes),
- la consommation d’alcool ou d’autres substances dans les trente derniers jours (rapportée par le patient, tests urinaires),
- l’observance thérapeutique.
Prise en charge
L’alliance thérapeutique est à la base du programme thérapeutique structuré à proposer au patient demandeur de soins. Ce programme individuel et flexible a comme cibles thérapeutiques principales : bloquer l’euphorie, bloquer le craving, gérer le sevrage et atteindre l’abstinence en cocaïne. Différentes étapes cliniques à franchir par le patient peuvent être proposées : abstinence à 3 semaines, 3, 6, 9 et 12 mois.
Ce programme combine différentes approches pharmacologiques et psychothérapeutiques aux différents stades de la prise en charge (phase de sevrage durant trois semaines et phase beaucoup plus longue de prévention de la rechute). Bien qu’aucun agent pharmacologique n’ait d’indication officielle dans l’addiction à la cocaïne, différentes pistes prometteuses ont émergé comme la N-acétylcystéine (tendance à la réduction du syndrome de sevrage ; réduction du craving) ; le topiramate* (réduction du craving, maintien d’abstinence) ; le disulfirame* chez les sujets dépendants à l’alcool et à la cocaïne (réduction de la consommation, du craving, de la dysphorie, maintien de l’abstinence) et le modafinil* (réduction de l’euphorie, du craving, maintien de l’abstinence). Ce dernier, piste thérapeutique forte, est contraint à des prescriptions restreintes en France (narcolepsie, hypersomnie idiopathique). Une étude d’imagerie cérébrale fonctionnelle évaluant son impact chez les sujets dépendants à la cocaïne a débuté dans notre centre en collaboration avec le CEA à Orsay et est actuellement en cours (Étude CAIMAN).
L’approche psychothérapeutique sert de plateforme pour les pharmacothérapies, renforce l’abstinence, l’observance thérapeutique et l’action des médicaments. Différents types d’approche sont possibles : les entretiens motivationnels ne doivent être utilisés qu’au début de la prise en charge (phase de sevrage), la thérapie cognitive et comportementale est efficace pendant la seconde phase du traitement. L’approche psychodynamique peut être également une option.
* Prescription hors AMM
Références
Karila, L., et al., Cocaine: de l’usage récréatif à la dépendance. Rev Prat, 2009. 59(6): p. 821-5.
Karila, L., et al., New treatments for cocaine dependence: a focused review. Int J Neuropsychopharmacol, 2008. 11(3): p. 425-38.
Karila L, Reynaud M. Addiction à la cocaïne. Editions Flammarion Médecine Sciences, 2009.
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