L'alcool néfaste dès les premières gorgées, « The Lancet » appelle à durcir les politiques publiques

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Publié le 24/08/2018
alcool consommation

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Crédit photo : Phanie

Il n'y a aucun niveau de consommation d'alcool sûr, et seul zéro gramme d'éthanol par semaine est protecteur, démontre une étude publiée ce 24 août dans « The Lancet », sur la charge mondiale de morbidité liée à l'alcool, d'après les chiffres 2016 de la Global Burden of Disease Study. 

À l'aide d'une nouvelle méthodologie, l'étude, qui se veut la plus exhaustive à ce jour sur le fardeau que représente l'alcool, dresse un panorama de sa consommation dans 195 pays. 

En 2016, 32,5 % des personnes boivent régulièrement ; 25 % des femmes, et 39 % des hommes, soit 2, 4 milliards d'individus (dont 1,5 milliard d'hommes). En moyenne, la consommation est de 0,73 verre (un verre contient 10 g d'alcool éthylique pur) chez les femmes, et 1,7 verre chez les hommes. Avec d'immenses variations selon les territoires. Les plus grands consommateurs vivent, pour les hommes, en Roumanie (8,2 verres par jour), au Portugal et au Luxembourg (7,3), et pour les femmes, en Ukraine (4,2), Andorre et au Luxembourg (3,4). À l'inverse, le Pakistan ou l'Iran sont particulièrement sobres.

En France, la consommation moyenne est de 4,9 verres par jour chez les hommes, et de 2,9 chez les femmes. 

3 millions de décès en 2016, et 10 % de la mortalité des 15-50 ans lié à l'alcool

L'alcool représente le septième facteur de risque de décès prématuré et d'invalidité (calculée par années de vie corrigées de l’incapacité - DALY) en 2016, où 2,8 millions de décès sont attribués à sa consommation. Il est notamment responsable de 2,2 % des décès féminins, et de 6,8 % des décès masculins, tous âges confondus, et de 1,6 % de l'invalidité chez les femmes, et 6 % chez les hommes. 

Le fardeau est particulièrement lourd chez les 15-49 ans. L'alcool se retrouve à l'origine de 10 % de mortalité de cette tranche d'âge, et par sexe, de 3, 8 % des décès féminins et 12,2 % des décès masculins. Quant à l'invalidité, l'alcool est incriminé à hauteur de 2,3 % du problème chez les femmes, et de 8,9 % chez les hommes. 

Les principales causes de mortalité dans cette tranche d'âge sont la tuberculose (1,4 %, surtout dans les pays à faible revenu), les accidents de la route (1,2 %) et les suicides (1,1%). 

Chez les plus de 50 ans, ce sont les cancers qui arrivent au premier rang des causes de mortalité liée à l'alcool : ils sont impliqués dans 27 % de la mortalité féminine liée à l'alcool, et 19 % de la mortalité masculine, en particulier dans les pays développés. En France, Santé publique France a calculé que l'alcool était responsable de 8 % des nouveaux cas de cancers en 2015, deuxième facteur de risque devant le tabac

Augmentation des risques en fonction de la quantité d'alcool ingéré 

L'étude va à l'encontre de l'idée (étayée par des précédentes études, jugées incomplètes) que de faibles quantités d'alcool auraient un effet protecteur. Les bénéfices cardiovasculaires, ou en termes de diabète, chez les femmes sont en effet annihilés par l'importance les risques de cancers, qui augmentent mécaniquement avec la consommation, mais aussi les risques de blessures et de maladies transmissibles.

Boire un verre d'alcool par jour pendant un an augmente de 0,5 % le risque de développer l'un des 23 problèmes de santé liés à l'alcool, par rapport aux non-buveurs. Cela correspond à un excès de mortalité de 100 000 morts par an dans le monde, précise la Dr Emmanuel Gakidou de l'Institut de métrologie et d'évaluation de la Santé (Washington), co-auteure de l'étude.  

Seulement zéro verre d'alcool diminue tous les risques sanitaires.

Un précédent article du « Lancet », paru en avril dernier, estimait déjà que les recommandations sur la consommation d'alcool dans de nombreux pays devaient être revues à la baisse, mais établissait que le niveau de consommation sans danger exagéré était de 10 verres standard (100 grammes d'alcool pur) par semaine.  

Les auteurs vont plus loin et appellent à un renouveau des politiques publiques, qui devraient intégrer des recommandations en faveur de l'abstinence, une politique de prix (taxes proportionnelles au contenu en grammes d'alcool et définition d'un prix minimum de vente par unité), le contrôle de l'accès physique aux boissons, et une régulation de la publicité. Les politiques publiques des pays développés, où la consommation est élevée, se doivent d'être plus strictes, tandis que celles des pays à bas ou moyen revenus doivent viser le maintien d'un bas niveau de consommation, lit-on.


Source : lequotidiendumedecin.fr