« Si on m'avait dit il y a 10 ans que j'approuverais un rapport qui préconise la légalisation du cannabis… ». Les auditions menées ces 10 derniers mois n'ont pas manqué de secouer Jean-François Naton, président de la commission temporaire cannabis du Conseil économique social et environnemental (Cese) dont le rapport final « Cannabis : sortir du statu quo, vers une légalisation encadrée » vient de paraître.
Le travail de la commission a commencé en 2021, alors qu'un nombre croissant de pays sautaient le pas de la légalisation du cannabis à usage récréatif. Près de chez nous, la coalition allemande (Parti social-démocrate SPD, les Verts et les libéraux du FDP) se faisait élire avec dans son programme la promesse de légaliser le cannabis dès 2024. « Nous avons pris notre temps pour sortir des postures idéologisées », précise Jean-François Naton, pour qui le rapport « souligne l'échec de la politique suivie depuis 50 ans en France », le pays d'Europe à la fois le plus répressif et le plus gros consommateur.
Quel âge pivot ?
Sur le plan de la santé publique, si la vente serait interdite aux mineurs, le rapport ouvre la question de l'âge pivot à partir duquel il serait possible d'autoriser la consommation de cannabis. L'âge de maturation du cerveau se situant entre 20 et 25 ans, « il y a un enjeu à se poser la question de la consommation à cet âge-là », indique Helno Eyriey.
Pour financer la prévention et la réduction des risques, il est proposé de taxer la vente de cannabis et les rapporteurs proposent de s'inspirer des expériences étrangères, notamment canadiennes et portugaises. Le texte préconise de multiplier les dispositifs visant à réduire les risques liés à l'usage de cannabis, comme les interventions psychosociales en milieu scolaire ou les cannabis social club.
Une loi Evin du cannabis
« Le plus mauvais usage qui puisse être fait du cannabis est de le fumer. Il faut travailler sur cette thématique pour proposer des produits qui soient les moins nocifs possibles », ajoute Florent Compain, qui plaide pour une obligation de transparence et d'information du consommateur. « Les usagers doivent savoir ce qu'ils consomment, les risques associés, la teneur en THC… , continue-t-il. La France est capable de produire des vins de grands crus, il faut rentrer dans la même logique avec le cannabis : produire moins, mais produire mieux, dans des filières bio sans pesticides. »
Afin d'aider les filières à cultiver et transformer le cannabis en France, le rapport suggère aussi de relever la limite légale du taux de THC dans la plante de 0,3 à 1 % comme en Australie ou en Suisse. « Actuellement, le chanvre cultivé en France est envoyé à l'étranger pour être transformé, car le taux de THC augmente transitoirement pendant la transformation », explique Jean-François Naton.
Les rapporteurs proposent aussi de rendre impossible la mise en place de « géants du cannabis », en imposant la vente dans des points dédiés, avec des licences accordées en nombre limité, pas plus de 5 par entreprise. Chaque point de vente devra être tenu par du personnel formé, avec une obligation d'information et un contrôle systématique de l'âge du consommateur via un sas d'entrée. Les rapporteurs vont jusqu'à évoquer la nécessité d'une « loi Evin du cannabis ».
Une répression qui continue d'exploser
Les auteurs dressent un bilan négatif de la mise en place de la contravention pour usage de cannabis. La contraventionnalisation « a fait exploser la répression de l'usage », insiste Florent Compain, co-rapporteur. Alors que le nombre d'infractions pour usage s'était stabilisé autour de 180 000 par an depuis 2013, l'arrivée de la contravention pour usage simple en 2018 a fait bondir ce chiffre à 226 000, avec un taux de recouvrement de 34 % seulement.
Les tests actuellement employés pour détecter l'usage de cannabis au volant ou sur le lieu de travail attirent eux aussi les critiques des auteurs du rapport, qui leur reprochent de détecter, et donc pénaliser, des consommations vieilles de plusieurs jours. Pour sanctionner plus justement, « il faut que l'on mobilise la recherche pour mettre au point des tests comportementaux », poursuit Florent Compain.
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