Aujourd’hui, ouverture des Entretiens de Bichat

Le tabac, ennemi de la fertilité des femmes

Publié le 29/09/2010
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L’ENSEMBLE DES ÉTUDES épidémiologiques publiées depuis une vingtaine d’années s’accordent toutes pour reconnaître l’existence d’une relation indéniable entre la consommation tabagique et la diminution de la fertilité féminine quel que soit l’indicateur mesuré : diminution du pourcentage cumulatif de grossesses, augmentation du risque d`infertilité, retard à la conception qui selon une étude anglaise (1) est dose dépendant et s’observe chez les femmes présentant un tabagisme actif ou passif.

Plusieurs hypothèses physiopathologiques ont été émises pour expliquer la diminution de la fertilité féminine liée au tabac :

- des altérations tubaires liées à une action locale de la nicotine sur le mucus cervical et une action directe de celle-ci sur la motilité ciliaire entraînant une anomalie du péristaltisme ciliaire des trompes avec, pour certains auteurs une action anti-estrogène de la nicotine qui pourrait modifier la contractilité tubaire ;

- une diminution de la réserve ovarienne : la nicotine aurait un effet direct sur l`axe hypothalamo-hypophysaire et induirait une diminution de la réserve ovarienne. La ménopause survient en moyenne deux ans plus tôt chez les femmes fumeuses que chez les non fumeuses et par conséquent diminue la période de fécondité (2). L’arrêt du tabagisme semble diminuer le risque d’insuffisance ovarienne ; ainsi chez les ex-fumeuses, la ménopause survient plus tard que chez les fumeuses mais cependant plus tôt que chez celles qui n’ont jamais fumé (2) ;

- une action directe sur les ovocytes des hydrocarbures aromatiques polycycliques contenus ans la fumée de cigarette ;

- une action utérine et endométriale : le tabac par un phénomène de vasoconstriction périphérique serait responsable d’hypoxie endométriale et utérine dont les conséquences cliniques majeures sont les fausses couches spontanées ou les infertilités par échecs d’implantation.

Tabac et assistance médicale à la procréation.

L’effet du tabac sur la reproduction assistée est plus discuté ; toutefois, toutes les études s’accordent pour reconnaître que le tabagisme constitue une perte de chance de succès. Pour certains auteurs, le tabagisme a un rôle néfaste dès la stimulation ovarienne : le nombre d’ovocytes obtenus en FIV est diminué de façon significatives chez les femmes fumeuses (3) et cet effet est dose-dépendant : le nombre d’ovocytes est d’autant plus faible que la consommation tabagique est élevée. De surcroît, il a été également observé une augmentation d’ovocytes diploïdes qui pourrait être due à l’action du cadmium, un composé de la cigarette (2)

Tabac et grossesse : une combinaison à risque.

Les effets délétères du tabagisme sur l’embryon et le fœtus sont essentiellement liés à deux substances : le monoxyde de carbone (CO) et la nicotine.

Le monoxyde de carbone se fixant sur l’hémoglobine fœtale immature est responsable d’une hypoxie profonde et prolongée de l’embryon, la nicotine a une action vasoconstrictrice sur la circulation fœto-maternelle (utéro-placentaire)

Le tabac, en altérant la mobilité tubaire et la fonction ciliaire augmente le risque de grossesse extra-utérine. Ce risque est multiplié par deux chez les femmes qui fument 10 cigarettes par jour et par trois chez celles qui fument plus 20 cigarettes par jour.

Le nombre de fausses-couches spontanées à caryotypes normaux est également augmenté chez les fumeuses (2) ainsi que le risque d’hématome rétro-placentaire et de placenta prævia (risque multiplié par 2 à 3).

En outre le tabagisme retentit sur le poids de naissance et la naissance de prématurés. Le poids moyen de naissance des nouveau-nés de mères fumeuses, même après ajustement sur le terme, est de 150 g inférieur à celui des non fumeuses et le taux d’hypotrophie est augmenté.

En France, la prématurité et le risque de retard de croissance sont 2,5 fois plus importants quand une femme fume plus de 10 cigarettes par jour. Le tabagisme est aussi la première cause évitable de complications périnatales.

Entretiens de Bichat. Communication des Pr Joelle Belaisch-Allart (professeur associée du Collège de médecine des hôpitaux de Paris, chef du service de gynécologie hôpital de Sèvres) et du Dr Sophie Bringer-Deutsch (praticien hospitalier Service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction Centre hospitalier des 4 villes Sèvres)

1. Hull GR et all Fertil Steril 2000 ;74,725-733.

2. De Mouzon J, Belaich-Allart J La lettre du gynécologue 2009 ; 340 :33-36.

3. Fuentes A et all. Fertil Steril 2010 ;93 : 89-95.

 Dr MICHELINE FOURCADE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8825