Les avancées technologiques des vingt-cinq dernières années, en particulier le développement d’Internet, ont profondément enrichi l’univers du jeu vidéo : diversité des thèmes (jeux de stratégie, de rôle, de combat, simulations sportives…), multiplicité des supports (console, ordinateur, tablette, smartphone), interactivité et interfaces multijoueurs. Comme les autres jeux, il exerce un effet motivant qui justifie son application dans les domaines de l’éducation, de la formation, de la santé. Ses bénéfices cognitifs et psychosociaux ont été démontrés dans tous ses usages, y compris ludiques.
Pourtant, les professionnels de santé tirent la sonnette d’alarme devant l’inflation de demandes de soins de la part d’usagers ou de leur famille. Chez certains, l’investissement dans le jeu est massif, aux dépens d’autres activités et de la vie relationnelle. Ces situations cliniques suggèrent un usage pathologique du jeu vidéo, dont la nature reste débattue : Est-ce un trouble mental à part entière ? S’agit-il en ce cas d’une addiction comportementale, au même titre que le jeu pathologique ? Est-ce l’expression d’un trouble mental ou neurodéveloppemental sous-jacent ? Une réaction d’adaptation à des facteurs environnementaux ? S’inscrit-il dans un cadre plus global d’addiction à Internet ou aux nouvelles technologies ?
Ce « trouble du jeu vidéo » affecterait entre 1 et 10 % des joueurs dans les pays occidentaux (1). Certains facteurs lui sont régulièrement associés : genre masculin, facteurs familiaux (dysfonctionnement relationnel, attitudes négatives de l’entourage envers le jeu), décrochage scolaire ou professionnel, troubles du sommeil, facteurs psychologiques (défaillance dans l’estime de soi et les compétences sociales, hostilité, agressivité, impulsivité) et comorbidités psychiatriques (TDAH, dépression, phobie sociale, TOC). Cependant, il n’a pas été clairement démontré de liens de causalité entre ces facteurs et le trouble du jeu vidéo. La mise en évidence d’anomalies fonctionnelles au niveau du circuit de la récompense, en particulier d’un dysfonctionnement dopaminergique, le rattache aux addictions comportementales.
Un faible niveau de preuve
Le DSM-5 l’a intégré comme syndrome nécessitant de plus amples explorations (lire l’encadré). Puis, pour faciliter son identification et favoriser le développement de stratégies de prise en charge, l’OMS a annoncé en juin dernier son inclusion dans sa nouvelle classification internationale des maladies (CIM-11) (2). Cette décision fait l’objet d’un débat passionné. Ses détracteurs, incluant des cliniciens mais également des acteurs de l’industrie du jeu vidéo, des chercheurs en sciences sociales et en psychologie expérimentale et des usagers soulignent avant tout l’insuffisance du niveau de preuve scientifique, en particulier le manque d’études longitudinales et méthodologiquement rigoureuses. Ils s’inquiètent également des risques liés à la stigmatisation du jeu vidéo récréatif (3).
Chez l’enfant et l’adolescent, une approche familiale est préconisée pour évaluer précisément la réalité et la sévérité de l’addiction, intéresser les parents au jeu et aux motivations de leur enfant, les aider à fixer des limites, et bien sûr prendre en charge les dysfonctionnements familiaux dont l’addiction au jeu vidéo peut être l’expression. Il s’agit enfin de définir une politique d’information du public et de formation des praticiens sur le jeu vidéo, afin de pouvoir identifier les situations à risque sans pour autant en diaboliser l’usage.
Un dysfonctionnement dopaminergique rattache le trouble du jeu vidéo aux addictions comportementales
Institut phocéen de psychiatrie & psychothérapies (Marseille) (1) Mihara S, Higuchi S. Psychiatry Clin Neurosci. 2017 Jul;71(7):425-444 (2) Saunders JB et al. J Behav Addict. 2017 Sep 1;6(3):271-279 (3) Van Rooij AJ et al. J Behav Addict. 2018 Mar 1;7(1):1-9
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