Evaluation positive et changements de municipalité

Les projets de salles de consommations relancées

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Publié le 09/07/2021
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Près de 5 ans après l'ouverture des deux premières salles de consommation à moindre risque de Paris et de Strasbourg, on assiste au redémarrage de projets dans les villes de Bordeaux, Lille, Lyon et Marseille. Plusieurs facteurs viennent se conjuger pour expliquer cela : le soutien du minsitère de la santé suite à l'évaluation positive de l'Inserm et l'arrivée de nouvelles majorités municipales en 2020, favorables à l'ouverture de salle dans leur ville.

Il est désormais peu probable que de nouvelles salles de consommation à moindre risque puissent entrer dans l'expérimentation entamée à l'automne 2016, et qui s'achèvera à l'automne 2022. Pour autant, les projets de salles des villes de Lyon, Bordeaux, Lille et Marseille sont en passe de se concrétiser, grâce à la conjugaison d'évolutions politiques locales et des résultats positifs de l'évaluation par l'INSERM des 2 premières salles de Paris et Strasbourg en mai dernier.

À la suite de cette évaluation, le ministre de la santé, Olivier Véran, a promis l'ouverture de débats parlementaire dès l'automne 2021, lors du deuxième colloque européen sur les SCMR du 1er juillet dernier. Ces débats seront nourris des conclusions de la « mission flash » parlementaire présidée par Caroline Janvier (LREM, 2em circonscription du Loiret) et Stéphane Viry (Lés Républicains, 1er circonscription des Vosges).

Contactée par le « Quotidien du Médecin », Caroline Janvier précise que les conclusions de la mission sont prévues pour septembre. « Trois scénarios sont possibles, explique-t-elle. Un arrêt de l'expérimentation sans pérennisation, un prolongement de l'expérimentation, soit on grave les salles de consommation à moindre risque dans le marbre. Dans ce dernier cas, il faudra passer par un amendement, probablement dans la loi de financement de la sécurité sociale 2022. »

Les maires écologistes moteurs de la réduction des risques

Le plus gros changement récent en faveur des SCMR reste de l'ordre de la politique locale, avec l'arrivé de nouvelle majorités lors des elections minicipales de 2020. « On avait abandonné le projet quand Gérard Collomb était maire de Lyon et montait sur la scène nationale », se souvient Damien Thabourey, président de l'association Oppelia porteuse du projet de SCMR. « Il avait annoncé que sa ville ne serait pas candidate pour ouvrir une salle de consommation. » Le vent tourne en 2020, quand l'écologiste Grégory Doucet, seul candidat à s'engager en faveur de la mise en place d'une salle, remporte la mairie. Depuis janvier 2021, un chargé de mission a été spécifiquement engagé par l'ARS pour travailler le dossier de la future SCMR.

À Lille, Martine Aubry ne s'était pas officiellement positionnée en ce qui concerne l'ouverture d'une salle dans sa ville. « Après les élections de 2020, une nouvelle élue à la santé a été nommée et la ville a été candidate », nous explique le collectif formé par 6 CAARUD Lillois (Aides, Cédr’Agir, Abej, Spiritek, et La Sauvegarde du Nord). À Bordeaux, l'election de l'écologiste Pierre Hurmic a relancé le projet défendu par l'association La Case et le comité d'Étude et d'information sur la drogue (CEID).

À Marseille, la création d’une salle était inscrite dans le programme du Printemps marseillais, l’union à gauche élue en juin 2020. « Nous avons le budget et l'accord du maire et des maires d'arrondissement », précise le Dr Béatrice Stambul, présidente de l'ASUD Mars Say Yeah et infatigable porteuse du projet.

Malgré le soutien des municipalités et du ministère de la santé des blocages peuvent demeurer. À Lille, le préfet du Nord Michel Lalande a sollicité l'avis du ministre de l'intérieur Gérald Darmanin qui a répondu par une « ferme opposition » au projet dans un courrier relayé par La Voix du Nord. « Ces salles présentent des inconvénients majeurs, dont celui de favoriser la fixation des consommateurs en un lieu unique », a argumenté le ministre. À la suite de cet avis sans appel, le conseil municipal de Lille a directement demandé au Premier ministre, le 28 juin dernier, de débloquer la situation.

Des profils de population très divers

Chaque projet de salle doit prendre en compte une configuration différente de l'usage de drogue. « Il y a clairement un gradient Nord-Sud, avec énormément d'injecteurs dans le sud et beaucoup de consommateurs de crack dans le Nord », résume le Dr Stambul. À Marseille, comme dans le sud de l'Europe, beaucoup d'usagers sont des injecteurs de cocaïnes. « La montée très rapide provoquée par l'injection de cocaïne fait que les usagers s'injectent jusqu'à 20 fois par jour, poursuit le Dr Stambul. Cela pose des questions quant au protocole à appliquer : faut-il les laisser revenir aussi souvent ? »

A Lille, Il n’y a pas de scène de consommation ouverte comme « la colline » de Paris, « mais il existe une multitude d’endroits de tailles restreintes qui évoluent et se déplacent en fonction de l’évolution de l’environnement », explique le collectif. Un diagnostic local est en cours, porté par l’INSERM et financé par la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) et la ville de Lille. « Nos CAARUDs pointent une augmentation massive des consommations massives de Crack par inhalation, insiste le collectif. Les consommations à Lille sont toujours en grande majorité des consommations de stupéfiants et non pas des consommations de traitements détournés telles que les rencontrent les professionnels de la SCMR parisienne », ajoutent les promoteurs de la future salle.

À Lyon, « nous assistons depuis quelques années à l'émergence d'une consommation de rue qui n'existait pas avant, et qui justifie l'existence de la future salle », explique Damien Thabourey. Cette tendance a été mise en évidence dans le rapport 2019 du dispositif TREND local. Par ailleurs, le nombre de consommateur de cocaïne basée est en augmentation

 

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin