Prise en charge de la douleur chronique

Les promesses du plan ne seront pas tenues

Publié le 09/12/2010
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LANCÉ par Xavier Bertrand, le plan douleur 2006-2010 s’achève à la fin du mois. Son évaluation est en cours d’élaboration par le Haut Conseil de santé publique, qui devrait rendre son rapport en mars. Pour le Pr Alain Serrie, président fondateur de Douleurs sans Frontières et président d’honneur de la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD), les principaux objectifs de ce plan ne seront pas atteints. À cause, notamment, d’un sérieux problème de financement. Ainsi, sur les 27 millions d’euros de dotations du 3e plan, seulement 16 millions seront dépensés d’ici à la fin de l’année. Encore plus préoccupant : sur ces 16 millions, moins de 10 millions auront réellement servi à financer des actions dans le cadre de la douleur ! Le reste faisant les frais de changements de lignes budgétaires, explique le Pr Serrie, qui n’hésite pas à pointer ici un « détournement de fonds publics ». Distribuées par les Missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGACS), les dotations décidées dans le cadre du plan Douleur « servent régulièrement à combler les déficits des hôpitaux et n’arrivent qu’en partie à leur destination initiale », accuse-t-il. Car si les hôpitaux sont astreints à une notification de recettes, ils ne sont pas obligés de produire une notification des dépenses. Un changement de ligne budgétaire devient dès lors chose aisée. Dans l’optique d’un quatrième plan douleur, le Pr Serrie juge donc primordial qu’une obligation d’attribution des dotations y soit spécifiquement inscrite.

Ce problème d’affectation effective des fonds publics engagés dans ce 3e plan aura ainsi rendu caducs plusieurs axes prioritaires de lutte contre la douleur. À commencer par la douleur de l’enfant. « Sept cent mille euros devaient servir à la création d’une journée de consultation hebdomadaire par département pour les enfants souffrant de douleurs chroniques. Au final, aucun moyen supplémentaire n’a été réellement dégagé », dénonce le Dr Jean Bruxelle, qui vient de quitter son poste à la tête de SFETD.

Vers un observatoire de la douleur ?

Nouveau président de l’association depuis le 17 novembre, le Dr Michel Lantéri-Minet, par ailleurs chef du Département d’évaluation et traitement de la douleur au CHU de Nice, dresse les priorités d’un indispensable 4e plan Douleur. À savoir : rendre les structures douleur plus accessibles aux patients grâce à une réelle adéquation entre les moyens et les besoins ; optimiser le rôle de premier recours du médecin généraliste en formalisant la filière universitaire pour permettre à tous les professionnels de santé de disposer d’un bagage suffisant pour prendre en charge les patients douloureux chroniques ; améliorer la recherche translationnelle dans l’Hexagone pour développer de nouveaux moyens thérapeutiques.

En France, 20 % au moins de la population générale souffre d’une douleur chronique persistant un minimum de 3 à 6 mois. La douleur chronique touche tous les âges. Une majorité des douloureux chroniques ayant moins de 60 ans. D’après une étude de 2004*, 14,8 % des Français présenteraient des douleurs modérées à intenses et 5,1 % des douleurs intenses à très intenses. Et avec le vieillissement de la population, la question de la douleur chronique devient encore plus préoccupante.

Selon sa forme, son évolution et son ressenti par le patient, la douleur chronique peut devenir « une maladie dans la maladie », engendrant souvent une désinsertion socio-professionnelle progressive. De fait, la douleur chronique a un impact sociétal majeur sur le plan économique de par les coûts directs et indirects qu’elle induit. Faute d’étude médico-économique globale sur le sujet, le coût de la douleur reste encore mal connu dans notre pays. Pour la SFETD, la mise en place d’un observatoire national de la douleur chronique en France est prioritaire, afin de dresser un état des lieux précis de la situation à l’échelle de notre nation et suivre étroitement la réalisation effective des actions décidées dans le cadre du prochain plan Douleur.

*Étude STOPNOP 2004, Dr Bouhassira.

DAVID BILHAUT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8873