Les salles de consommation à moindre risque jugées efficaces dans le rapport d'évaluation

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Publié le 07/05/2021
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Crédit photo : Phanie

Alors qu'approche la date limite pour déposer un dossier de nouveau projet de salles de consommation à moindre risque (SCMR), le dispositif a été jugé favorablement dans un rapport d'expertise réalisé à la demande de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca). Ce rapport fait la synthèse de quatre volets d'évaluation : une étude sur 665 usagers, dont la moitié fréquentait une salle de consommation (celle de Paris ou de Strasbourg) et l'autre non (cohorte Cosinus) ; une évaluation médico-économique (Cosinus Eco) ; une étude sociologique combinant des entretiens avec de riverains, des policiers, des agents municipaux ; et l'étude EROPP sur l'opinion des Français.

Sociologue au Centre de recherche Cermes3, Marie Jauffret-Roustide, qui a participé à l'étude Cosinus et au volet sociologique, estime que ces résultats plaident en la faveur d'ouverture de nouvelles salles. « Nous avons regardé l'évolution des pratiques à risque, la consommation dans l'espace public, la fréquentation des urgences, les délits, les abcès… », détaille-t-elle au « Quotidien ».

Moins de délits, moins d'injections, moins de pratiques à risque

Dans le cadre de l'étude Cosinus, Marie Jauffret-Roustide et ses collègues ont suivi des usagers répartis entre Bordeaux, Marseille, Paris et Strasbourg et les ont questionnés 3, 6 et 12 mois après leur inclusion. Compte tenu des spécificités du public étudié, le nombre de 665 usagers a été retenu afin de pouvoir tirer des résultats significatifs avec 40 % de perdus de vue. Au final, seulement 41 % des usagers recrutés n'ont pas été suivis pendant l'intégralité de l’étude.

Les participants de Cosinus étaient âgés de 38 ans en médiane. Près de la moitié (43 %) occupait un logement très précaire et un cinquième avait un emploi. L’injection quotidienne de substances était pratiquée par 60 % des participants et le partage du matériel d’injection usagé par 18 %. Un quart des usagers de l’étude déclarait être infecté par le VHC et 5,4 % par le VIH.

Les résultats mettent en évidence une diminution statistiquement significative de 10 % de la probabilité de pratique à risque comme un échange de seringue chez les usagers fréquentant une salle de consommation. Le risque d'abcès est diminué de 11 % et celui d'overdose de 2 %. « Les résultats les plus importants sont la baisse de 24 % du risque de passage aux urgences et de 20 % du risque de délits pour les usagers fréquentant une salle de consommation, ainsi que la baisse de 15 % des injections dans l'espace public », souligne la chercheuse.

Cette diminution de l'injection dans l'espace public était corroborée par les résultats de l'étude sociologique. Lors d'enquêtes de terrain, les investigateurs ont constaté une division par trois du nombre de seringues retrouvées dans l'espace public. « Quand on prend en compte les facteurs météorologiques, la baisse est de 55 % », précise Marie Jauffret-Roustide.

Concernant la perception de la salle par les riverains, Marie Jauffret-Roustide constate une « professionnalisation, une politisation et une radicalisation des collectifs opposés, ou au contraire favorables, aux salles de consommation, explique-t-elle. À Paris, les groupes opposés font valoir une augmentation des incivilités et de la saleté et agrègent dans leurs discours les usagers de drogues et les populations migrantes dont ils imputent la présence à l'existence de la salle de consommation. Le tout alimenté par une posture d'opposition systématique à la politique de la ville. »

Elle poursuit : « Ce sont les mêmes ressorts qui sous-tendaient le mouvement #sacageparis. Ce qui est certain, c'est que les entretiens avec les policiers et les agents d'entretien ne font pas ressortir une délinquance plus problématique qu'avant ou des dégradations plus nombreuses. »

L'accès aux TSO n'augmente pas

En revanche, il n'y avait pas de différence significative en ce qui concerne l'accès aux traitements de substitution des opiacés (TSO) et au dépistage. « Notre hypothèse est que l'on était en présence d'un public qui était déjà largement sous traitement », avance Marie Jauffret-Roustide. L'orientation des usagers vers les soins de ville n'était pas non plus fréquente chez les usagers fréquentant une SCMR. « Il y a des raisons structurelles possibles comme le manque de logements disponibles ou la difficulté de trouver des référents médecins, mais nous ne le documentons pas dans la cohorte », poursuit la sociologue qui a également rendu une évaluation du « plan crack » de la ville de Paris il y a deux mois. « Dans le cadre de ce plan, 400 places d'hébergement ont été ouvertes, mais ce n'est pas suffisant », estime-t-elle. Dans la cohorte Cosinus, plus 80 à 88 % des usagers de drogues fréquentant une salle souhaitent continuer à y aller.


Source : lequotidiendumedecin.fr