Samusocial de Paris

L’urgence encore plus criante

Publié le 29/06/2011
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« LE SAMUSOCIAL, avec la coordination du 115, est en danger » à cause du manque d’argent. « L’équipe Apparu (le secrétaire d’état chargé du logement, NDLR) ne comprend pas ce qu’est l’urgence sociale, qui vise à maintenir les gens en vie. » Le courroux de Xavier Emmanuelli, fondateur du Samusocial, est proportionnel aux restrictions que l’État, financeur à 92 %, lui impose. Le budget consacré à l’hébergement en hôtel, qui concerne essentiellement les familles pauvres, a été amputé de 25 %. Et le seul centre d’hébergement d’urgence de Paris, Yves-Garel, dans le 11e arrondissement, ferme ses portes demain, pour des travaux de rénovation. Sans que l’État n’ait trouvé de solution de rechange pérenne pour les 57 hommes et 38 femmes qui y dorment chaque soir. « Vous vous doutez bien qu’on a négocié pendant plus d’1 an pour éviter cela », a expliqué le Dr Emmanuelli.

Peine perdue. Si les hommes seront réorientés vers un centre de la rue Oscar Roty, dans le 15e, toutes les femmes ne trouveront pas forcément un toit. « C’est douloureux. Le centre comprenait 38 places, mais une soixantaine de femmes y résidaient plus régulièrement et y étaient très accrochées », explique le Dr Suzanne Tartière, en charge du développement médico-social au samusocial de Paris, et praticien hospitalier au Samu médical. « Elles ne peuvent vraiment pas se retrouver à la rue. On a essayé de trouver le maximum de solutions. On devrait pouvoir réadresser 25 d’entre elles ailleurs, en poussant les murs de certaines structures », poursuit le médecin, qui déplore l’aspect non pérenne de ces compromis. « On va placer les femmes dans les lits halte soins santé, en sachant qu’elles vont y rester un peu de temps, alors que normalement ces structures sont destinées aux petits soins que l’hôpital ne peut pas garder, donc ça va coincer, mais il faut qu’on trouve des solutions ! Et on a sollicité nos partenaires, le secours catholique, le centre d’action sociale de Paris… Pour certaines on a peut-être trouvé des places d’hôtel, mais elles ne bénéficieront pas de ce qu’apporte le centre : un repas du soir, un petit-déjeuner, un suivi social… L’hébergement à lui seul ne suffit pas pour des femmes très désocialisées », souligne le Dr Tartière.

Explosion de la précarité

« C’est sparadrap et bouts de ficelle » pour gérer la pénurie, résume Xavier Emmanuelli. Pourtant, l’hébergement est un problème crucial : « Sur le plan médical, on arrive à gérer la demande. Mais l’hébergement et le logement, c’est terrible. Les gens passent par l’hôpital, qui les confie ensuite aux lits halte soins santé, où on les garde deux mois. Parfois, ils retournent dans un centre d’urgence, mais s’il n’y a pas de solution pérenne, c’est la rue, et c’est très difficile pour nos équipes », témoigne Suzanne Tartière.

Les professionnels doivent en outre gérer une population de plus en plus importante. Selon les chiffres de l’Observatoire Samusocial de Paris, en 1999 le 115 supervisait l’hébergement de 14 400 personnes à Paris. En 2010, 21 500. Et les familles représentent non plus 15 % des nuitées, mais 75 %. « La précarité explose, et on voit de plus en plus de familles migrantes, surtout des mères seules avec enfant, dont un quart ont moins d’un an », décrypte Emmanuelle Guyvarch, directrice de l’Observatoire. « Chaque jour, nous devons refuser des personnes. Et la situation en été n’est pas meilleure, car nous avons moins de locaux », poursuit-elle. Et moins de médecins également, rajoute le Dr Tartière.

Pour Xavier Emmanuelli, « tout le système est en danger, parce que l’urgence sociale est un concept que personne n’accepte ». Le gouvernement est « sur la ligne politiquement correcte du "housing first" (le logement d’abord) », dénonce-t-il. Au Samusocial, on préfère penser « Caring first, (le soin d’abord), housing fast (le logement rapidement) » : « Il faut les deux, mais le soin est un tissu social », souligne Suzanne Tartière.

 COLINE GARRÉ
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Source : Le Quotidien du Médecin: 8991