Prévention des addictions

Penser aussi aux femmes

Publié le 14/06/2010
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

LE RESPADD est un réseau fédérant 850 établissements de santé pour la prévention des addictions. Ses rencontres nationales, 15es du nom, étaient organisées à toulouse en collaboration avec l’Association des équipes de liaisons et de soins en addictologie (ELSA) et leur thème était les addictions et la consommation chez les femmes. Sachant que les comportements addictifs sont essentiellement masculins, à deux exceptions près : les troubles du comportement alimentaire et l’abus de médicaments psychotropes qui touchent davantage les femmes.

Experts et professionnels de santé de tous horizons se sont succédé pour livrer leurs points de vue et leurs expériences. Le Dr Brigitte Rocheteau a présenté les résultats d’une étude menée à la maternité du centre hospitalier départemental de Vendée, sur la prise en charge des femmes enceintes et consommatrices de substances. L’évaluation, menée auprès des soignants et des patientes, a révélé des carences dans la prise en charge de ce public. Si la consommation de tabac était recherchée chez 94 % des femmes, l’alcool ne l’était que pour 77 % et le cannabis pour 64 % ; tandis qu’aucun test de CO expiré n’était proposé aux fumeuses. Raisons invoquées par les soignants ? « Le manque de temps, la peur de culpabiliser et la difficulté d’aborder ces sujets », indique Brigitte Rocheteau. Du côté des patientes, 26 des 66 interrogées disent ne pas avoir été accompagnées pour modifier leur comportement. Des formations et des sensibilisations des soignants ont été organisées avec pour objectif d’améliorer la prise en charge dans l’accompagnement des femmes consommatrices et une traçabilité du dossier médical.

Autre étude présentée, celle menée par l’équipe de Nicolas Job. Ce médecin psychiatre travaille au service médico-psychiatrique régional, qui assure les soins aux détenus dans les établissements pénitentiaires. « L’étude a été menée auprès des 40 détenues femmes de la prison de Seysses pour évaluer les changements provoqués par l’incarcération sur la vie sexuelle et la consommation. « Nous voulions voir notamment s’il existait un parallèle entre les deux. » Les premiers résultats révèlent que les fumeuses ne consommant pas de drogues se retrouvent en grande détresse psychologique. « Très déprimées, elles passent pourtant à côté du service d’addictologie », souligne le psychiatre. Les polyconsommatrices sont aussi très déprimées « et font face grâce à des prescriptions de psychotropes. » Quant aux questions liées à la sexualité, « elles restent compliquées à aborder, d’autant que c’est interdit et sanctionnable en prison. Une chose est certaine, la sexualité se modifie avec le fait d’être enfermée. On note des avants et des après et certainement des liens avec les expériences vécues à l’adolescence en parallèle avec l’expérimentation de produits », décrit le médecin.

Et les soignants.

Dernier tabou évoqué lors de cette journée, et non des moindres : la consommation des soignants en milieu hospitalier, à travers l’intervention de Sarah Coscas, médecin psychiatre, membre de la mission FIDES, qui se consacre à la prévention des addictions pour les personnels de l’AP-HP. La spécialiste a rappelé que les hôpitaux sont des endroits dans lesquels l’accès à certains produits potentiellement addictifs est beaucoup plus facile et que les soignants sont des professions à risque. Elle a pointé « un malaise croissant au sein des professions de santé, et en cas de surmenage, une réticence à aller consulter un confrère. Psychiatres, pédiatres et urgentistes, seraient selon la spécialiste les plus concernés ». Les médecins seraient aussi concernés par la consommation de psychotropes, avec « des conduites addictives chez les médecins anesthésistes, et les taux les plus élevés de toxicomanies constatés chez les anesthésistes, les urgentistes et les pédiatres ». Pour appréhender ce phénomène bien réel, la spécialiste a évoqué une prise en charge collective indispensable pour faire baisser la charge affective qui pèse sur les soignants.

BÉATRICE GIRARD

Source : Le Quotidien du Médecin: 8789