« La e-cigarette n’est pas un médicament et pourtant elle est bien présente en médecine générale », constate la Dr Brigitte Métadieu, médecin généraliste et tabacologue à Paris. Et pourtant, il y a encore peu de données sur les représentations des patients vis-à-vis de ce produit et sur les informations utiles à leur transmettre en cours de consultation. Pour savoir ce qui motive, freine ou pousse à rejeter l’usage de la cigarette électronique, la Dr Métadieu a conduit en 2014 une étude transversale auprès de 3 319 patients – fumeurs ou ex-fumeurs – suivis par 375 médecins – essentiellement généraliste – qui leur ont remis un questionnaire.
Parmi les patients, 47 % avaient déjà essayé une e-cigarette, 63 % l’utiliser au moment de l’étude. Cette initiation à la cigarette électronique est d’abord portée par une volonté d’arrêt du tabac (47 %), devant une recherche de diminution du tabagisme (36 %), un souci d’économies lié au prix du tabac (18 %) et le conseil de l’entourage (11 %). A contrario, les patients n’ayant pas expérimenté la e-cigarette justifient leur choix par leur simple préférence aux vraies cigarettes (39 %), des craintes sur ses dangers éventuels (33 %) ou une dissuasion de leur entourage à la suite d’une mauvaise expérience (11 %).
Au sein des patients vapoteurs, 12 % avaient arrêté le tabac (78 % après quatre semaines d’utilisation). C’est l’usage mixte qui prédomine avec une consommation moyenne de 10 cigarettes par jour. L’étude met en lumière l’impact des problèmes techniques qui constituent la première cause de rejet de la cigarette électronique, devant les incertitudes entourant la sûreté du produit. À noter que 7 personnes sur 10 déclarent n’avoir pas eu la possibilité d’essayer différents dosages en nicotine, un niveau insuffisant pouvant inciter à l’abandon de la e-cigarette.
Sentiment d’impuissance
Du côté des médecins, le Dr Jonathan Favre, généraliste à Lille, a présenté un travail de thèse réalisé auprès de 14 omnipraticiens exerçant dans le département du Nord-Pas-de-Calais, tous interrogés entre août et mai 2014. De ces entretiens ressort un sentiment d’impuissance des professionnels qui ont l’impression de se faire imposer la cigarette électronique par leurs patients. Dans leur pratique, émergent différentes approches : certains généralistes restent résolument non-prescripteurs de e-cigarette, d’autres en dernier recours après l’échec ou le refus de thérapies, tandis qu’un dernier groupe de professionnels choisit de la prescrire d’emblée, au même titre que les autres thérapies de substitution.
En matière d’aide à l’arrêt du tabac, les généralistes constatent globalement une efficacité de la cigarette électronique dans le sevrage tabagique complet, parfois supérieure aux timbres de substitut nicotinique. Et même en cas de sevrage incomplet, la e-cigarette contribue à réduire la consommation de tabac, évoquent-ils. En consultation, leur opinion sur la e-cigarette est souvent sollicitée par les patients, en particulier s’agissant de l’efficacité et de la toxicité du produit. Mais l’enquête met en évidence un manque de connaissances des généralistes sur ces sujets, beaucoup soulignant les difficultés à accéder à des informations fiables et utiles pour leur pratique. D’où une certaine réserve de ces professionnels quant aux effets à long terme de la e-cigarette. Parmi les craintes liées à ce type de produit, les généralistes interrogés pointent un risque de normalisation et d’initiation au tabagisme, une voie de démédicalisation du patient, voire une nouvelle source d’addiction.