Cacophonie des recommandations

Qui dit vrai sur la cigarette électronique ?

Publié le 05/05/2020
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Efficacité et toxicité du vapotage sont sujettes à controverse. D’où des recommandations nationales complètement divergentes à ce jour. Un objectif à conserver à l’esprit : la santé, des fumeurs et des non-fumeurs.
Une aide à double tranchant

Une aide à double tranchant
Crédit photo : phanie

Avec peu de données disponibles, le débat sur la cigarette électronique est source de discorde. Ainsi Public health England recommande-t-elle son utilisation dans le sevrage tabagique, au contraire de la Société européenne de pneumologie, quand le Haut Conseil de la santé publique en France la considère comme une aide possible dans le sevrage tabagique et un outil de réduction de risque pour le fumeur. Deux questions se posent : la cigarette électronique est-elle un outil efficace de sevrage tabagique ? Quel est son profil de toxicité ?

En 2019, Hajek et al. ont publié dans le Nejm les résultats d'un essai multicentrique, comparant la cigarette électronique aux substituts nicotiniques. Après un an, le taux d'abstinence du tabac était plus élevé dans le premier groupe que le second (18 vs. 9,9 %). L’étude française Ecsmoke randomisée en double aveugle, en cours de recrutement, compare l’efficacité de la cigarette électronique à la varénicline. Elle permettra d’y voir plus clair quant à l’efficacité pour le sevrage.

L’aérosol de la cigarette électronique contient beaucoup moins de toxiques que la fumée des cigarettes. Aussi le bénéfice pour la santé de passer du tabac au vapotage exclusif est attendu. Mais les effets à long terme des cigarettes électroniques restent inconnus, et des recherches plus poussées sont nécessaires. Les analyses effectuées à ce jour ont permis de conclure que les cigarettes électroniques ne sont pas sans danger, mais moins dangereuses que les cigarettes. La cigarette électronique ne doit donc jamais être recommandée chez un non-fumeur.

En août 2019, une épidémie de maladies pulmonaires graves aiguës est apparue aux États-Unis chez des jeunes vapoteurs. Elle a été liée à un mésusage de la cigarette électronique par l’utilisation d’e-liquides contenant du THC, mélangés à l’acétate de vitamine E, produit huileux toxique pour le poumon. Il est donc important de rappeler l’importance d’utiliser des e-liquides aux normes, de ne pas acheter de produits non identifiés sur internet ni de les modifier manuellement.

Notre objectif doit toujours être l’arrêt complet et définitif du tabac chez nos patients, tout en protégeant les jeunes de la cigarette et de la cigarette électronique. Les politiques en la matière devront être fondées sur des preuves et non sur des opinions. À ce jour, la cigarette électronique peut être une option dans le sevrage tabagique, mais c’est aussi le moment de protéger les générations futures de ce dispositif.

Exergue : La cigarette électronique ne doit jamais être recommandée chez un non-fumeur

Unité de tabacologie, service de pneumologie, hôpital Tenon, APHP, Paris

Dr Anne-Marie Ruppert

Source : lequotidiendumedecin.fr