Un probable facteur d’aggravation

Tabac et Covid-19, liaisons dangereuses

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Publié le 05/05/2020
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Le tabagisme semble majorer fortement le risque de formes sévères de Covid-19, alors qu’il favorise aussi la contagion. Une sensibilisation des patients est nécessaire.
Un risque multiplié par 2,5 d’être admis en réanimation, ventilé ou de décéder

Un risque multiplié par 2,5 d’être admis en réanimation, ventilé ou de décéder
Crédit photo : phanie

Aujourd’hui, les données dont on dispose sur le Covid-19 restent très parcellaires. Elles montrent que la proportion de fumeurs hospitalisés pour Covid-19 est faible en France comme en Chine ou aux États-Unis, avec quasi cinq fois moins de fumeurs qu'en population générale. Plusieurs pistes sont évoquées pour tenter d'expliquer cette faible prévalence. Elle pourrait être liée au fait que l'âge moyen des personnes hospitalisées est élevé, et que le tabagisme diminue avec l'âge. On suspecte par ailleurs la nicotine de réduire l'expression des récepteurs ACE2, porte d'entrée du virus. Des études sur nicotine, vape et substituts nicotiniques devraient éclairer le débat à l'avenir. En attendant, le tabac fait toujours 78 000 morts par an en France et semble majorer le risque de forme grave. C'est pourquoi la Société francophone de tabacologie (SFT) a appelé à l’arrêt du tabac pour tous, et en particulier chez les personnes les plus vulnérables (1). Passage en revue des données sur les relations entre tabagisme et sévérité de la maladie.

La plus grande série publiée à ce jour rassemble plus de 1 000 patients en Chine, dont près de 200 atteints de formes sévères (2). Ceux-ci étaient plus âgés et présentaient plus de comorbidités. Ils étaient aussi plus souvent fumeurs : 17 vs. 12 % de l’ensemble de la cohorte et 5 vs 2 % sont des ex-fumeurs. Même schéma pour les 25 % de patients admis en réanimation, intubés ou décédés : 26 % sont fumeurs, versus 11 % de ceux qui n’ont pas été admis en réanimation, intubés ou décédés (et 8 vs 2 % sont des ex-fumeurs).

Une BPCO était présente dans 3,5 % des formes sévères, contre 0,6 % des formes non sévères et chez 10 % des sujets en réanimation, intubés ou décédés, contre 0,5 % des autres sujets.

Cette tendance à une surreprésentation du tabagisme dans les formes graves est retrouvée dans d’autres cohortes de taille plus réduite. Dans une cohorte de 140 patients, dont 82 atteints de formes graves, on est à 3 % de fumeurs et 7 % d’ex-fumeurs parmi les formes graves, contre 0 % de fumeurs et 4 % d’ex-fumeurs dans les formes non sévères (3). La prévalence de la BPCO est de 3,4 % dans les formes sévères, versus 0 %.

Une troisième cohorte de près de 80 patients, dont 15 % se sont aggravés, retrouve à nouveau davantage de fumeurs ou ex-fumeurs parmi les cas graves (4) : 27 vs 3 % de tabagisme, une différence significative (p = 0,02). En analyse multivariée, le tabac a été fortement associé à un risque d’aggravation (odds ratio = 14 [1,6-25] ; p = 0,02).

À partir d’une analyse de cinq cohortes, les auteurs estiment que le tabagisme augmenterait de 50 % (RR = 1,5) le risque de développer une forme sévère et multiplierait d’un facteur 2,5 celui d’être admis en réanimation, ventilé ou de décéder (5).

P. S.

Source : lequotidiendumedecin.fr