Le Dr Blisko nouveau président de la MIVILUDES

Un médecin contre les gourous thérapeutiques

Publié le 08/10/2012
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Crédit photo : Yves Malenfer/Matignon

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Crédit photo : Yves Malenfer/Matignon

LE QUOTIDIEN - Le Sénat vient de constituer une commission d’enquête sur les dérives sectaires en matière de santé ; n’y a-t-il pas un risque de doublon, après la récente publication par la MIVILUDES d’un guide consacré au même sujet ?

SERGE BLISKO - Nullement, car chacun reste dans son rôle. Le nôtre consiste à veiller, à stimuler et à avertir l’opinion ainsi que les divers services de l’État. Nous sommes l’aiguillon des pouvoirs publics face aux phénomènes d’emprises et, en particulier, aux risques de dérives sectaires dans le champ de la santé. La commission d’enquête sénatoriale va travailler sur les mêmes problématiques pendant une période de six mois, mais en usant de pouvoirs d’investigation très étendus, avec des moyens policiers dont nous ne disposons pas. Nous sommes donc complémentaires et nous collaborons étroitement. Je serai auditionné par les sénateurs. J’ajoute que, comme député, j’étais moi-même intervenu dans le cadre de commissions de l’Assemblée sur ces sujets. C’est au tour de la Haute Assemblée de prendre l’initiative d’enquêter.

Le Centre d’analyse stratégique (CAS) s’est lui aussi saisi des dérives liées aux médecines non conventionnelles. Cela fait beaucoup d’intervenants sur les mêmes questions …

Là encore, face à l’engouement observé autour des médecines dites alternatives, souvent teintées de croyances et d’idéologies, les différentes instances ont chacune leur place. Le CAS s’appuie sur une approche sociologique et prospective qui permet d’apprécier l’évolution des risques. Il recommande la mise en place d’une plateforme d’information. Je dis bravo lorsque je vois ainsi se renforcer les garde-fous contre des phénomènes dont nous observons tous le développement.

C’est la première fois qu’un médecin préside la MIVILUDES ; faut-il y voir une signification particulière ?

Mon prédécesseur, Georges Fenech, étant magistrat de profession, disposait d’une approche juridique des problèmes. Comme médecin, je suis bien sûr plus particulièrement sensibilisé aux aspects médicaux. Là encore, vous observez que pour travailler sur le sujet sectaire, il y a complémentarité des intervenants, face à des thématiques très diverses.

La santé constitue-t-elle aujourd’hui votre préoccupation principale ?

Nous observons une évolution dans le profil des gourous qui exercent une emprise mentale sur les personnes vulnérables. Aujourd’hui, ceux qui se positionnent sur le terrain religieux sont devenus marginaux, alors que nous enregistrons des signalements de plus en plus nombreux autour de ceux que nous appelons les gourous thérapeutiques et autres « dérapeuthes ».

Comment expliquez-vous le choix de cette porte d’entrée que constituent la souffrance et la maladie ?

Les charlatans interviennent volontiers auprès de patients qui subissent des traitements lourds, comme la chimiothérapie. Face à une médecine qui guérit mais qui nécessite des efforts, les mauvaises sirènes retentissent, avec des thérapeutiques dites alternatives. Il convient de distinguer bien sûr celles qui restent simplement inopérantes et sans effet de celles qui retirent le patient du circuit de soins et le privent de la prise en charge médicale et hospitalière en lui faisant perdre toute chance de guérison.

La lutte contre ces dérives progresse-t-elle ?

Nous avons marqué des points ces dernières années en collaborant étroitement avec les instances ordinales, aussi bien le CNOM que les organisations de kinésithérapeutes, de pharmaciens, ou de sages-femmes ; une prise de conscience multilatérale a eu lieu chez l’ensemble des professionnels. Mais je reste inquiet devant les réseaux qui prolifèrent sur internet. On les a beaucoup vus à l’œuvre pour s’opposer à la campagne de vaccination contre la grippe H1N1.

Les médecins sont-ils suffisamment armés pour repérer les dérives sectaires ?

Ces phénomènes sont complexes à appréhender, comme l’a montré l’affaire de Montflanquin. La question de les aborder dans le cadre de la formation initiale, plutôt que de suivre tel cours de mathématiques, mérite d’être examinée. Je me félicite qu’une université comme Paris V-Descartes propose un DU multidisciplinaire sur le sujet de l’emprise sectaire. Pour notre part, nous mettons à la disposition des praticiens des fiches pratiques généralistes sur notre site.

Nous fournissons aussi à tous les médecins qui nous sollicitent par mail des informations validées sur les traitements parallèles et les régimes sur lesquels ils nous interrogent. Mais bien souvent, les patients cloisonnent et évitent de parler de leurs gourous avec leur médecin traitant.

www.derives-sectes.gouv.fr

PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTIAN DELAHAYE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9170