Les antalgiques opioïdes ne doivent pas être automatiques dans les lombalgies aigües sévères, rappelle le CNGE

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Publié le 19/10/2023
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Crédit photo : Pahnie

Le conseil scientifique du collège national des généralistes enseignants (CNGE) appelle à ne pas prescrire systématiquement d'antalgiques opioïdes dans les lombalgies aiguës sévères dans un avis du 19 octobre, qui invite à prendre en compte la balance bénéfices/risques.

Le CNGE confirme ainsi les dernières recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS), selon lesquelles les opioïdes ne doivent pas être prescrits en première intention dans la lombalgie aiguë même sévère. Mais ils peuvent être indiqués « lorsque le soulagement de la douleur n’est pas atteint avec les antalgiques non opioïdes (ex. : paracétamol, AINS) ».

Les opioïdes étaient jusqu'à récemment classés entre « faibles » ou « forts », ce qui était un héritage de l’ancienne classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dont les paliers ont été définis pour traiter la douleur cancéreuse. La nouvelle classification de Lussier et Beaulieu considère, quant à elle, le mécanisme des médicaments. Les opioïdes dits « faibles » et « forts » sont majoritairement désormais regroupés dans la catégorie des antalgiques nociceptifs opioïdes (codéine, poudre d’opium, morphine), le tramadol étant dans la catégorie des antalgiques mixtes (douleurs nociceptives et neuropathiques).

Des études négatives qui s'accumulent

Jusqu'à présent, « les revues systématiques et méta-analyses n’ont pas permis de mettre en évidence de différence d’efficacité entre les différents opioïdes », expliquent les membres du conseil scientifique du CNGE.

Pire : selon une méta-analyse publiée en 2023 dans le BMJ (98 études totalisant 15 134 patients) et citée par le CNGE, le tramadol et l'association paracétamol/tramadol ne sont pas supérieurs au placebo pour agir sur l’intensité de la douleur dans la lombalgie aiguë, tout en étant associés à un plus grand risque d’effets indésirables.

Un autre travail publié en juin 2023 a également alimenté la réflexion des auteurs de l'avis : un essai clinique randomisé en triple aveugle, publié dans le Lancet. Les chercheurs avaient recruté 347 patients souffrant de lombalgie depuis moins de 12 semaines et les avaient répartis aléatoirement en trois groupes : oxycodone/naloxone, oxycodone et placebo.

Au bout de six semaines le score moyen de sévérité de la douleur était de 2,78/10 (échelle EVA) dans les groupes opioïdes et de 2,25/10 dans le groupe placebo, soit une différence non significative en faveur du groupe placebo, avec des effets indésirables présents chez 35 % des patients des groupes opioïdes et 30 % du groupe placebo. Les opioïdes étaient associés à plus de mésusage à 1 an. Le collège scientifique du CNGE estime en outre qu'il n'existe pas de données sur l'efficacité des antalgiques opioïdes à court terme.

Comte tenu « de l’absence de supériorité démontrée des opioïdes » et « du risque élevé de développement d’un trouble de l’usage des opioïdes », les auteurs de l'avis estiment que les antalgiques opioïdes, « faibles » comme « forts », ne sont pas recommandés comme traitement de première intention dans la lombalgie aiguë. « L’intensité de la douleur et les éventuelles contre-indications à d’autres médicaments sont des éléments dont il faut tenir compte », estiment-ils. Ils appellent à informer les patients de l’évolution naturelle de la lombalgie aiguë, qui disparaît en un mois dans la très grande majorité des cas.


Source : lequotidiendumedecin.fr