Covid-19 : une mortalité de 31 % en soins intensifs à J90 similaire à celle d'autres SDRA, mais des hospitalisations plus longues

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Publié le 03/11/2020
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Crédit photo : S.Toubon

Quatre-vingt-dix jours après l’admission en réanimation de patients atteints de Covid-19, la mortalité était de 31 %, établit une étude multicentrique promue par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris*. Ce travail coordonné par le Dr Matthieu Schmidt, réanimateur à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et publié le 30 octobre dans la revue européenne « Intensive Care Medicine » a inclus plus de 4 200 patients ayant un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) secondaire à une infection par SARS-CoV-2, dans 149 centres belges et suisses, entre le 25 février et le 4 mai 2020.

Si cette mortalité ne détonne pas par rapport à celle des patients souffrant de syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) lié à d'autres pathologies, ce travail met en évidence des durées de soins beaucoup plus longues.

Covid-ICU (Covid-19 infection in intensive care unit) est une cohorte multicentrique prospective mise en place en février 2020, à l'initiative du réseau REVA (Réseau européen de recherche en ventilation artificielle), afin de collecter les données de patients Covid-19 hospitalisés en réanimation.

80 % des patients intubés en réanimation

Qui sont ces patients ? « Ils ne sont pas vieux, et avec peu de comorbidités, ou du moins des comorbidités fréquentes dans la population générale », résume le Dr Schmidt. Leur âge médian est de 63 ans et 25 % ont moins de 54 ans ; 74 % sont des hommes et 41 % avaient un indice de masse corporelle ≥30 kg/m2. Une hypertension artérielle et un diabète étaient connus chez respectivement 48 % et 28 % d’entre eux ; une immunodépression, chez 7 % d'entre eux. Le délai médian entre l'apparition des symptômes et la réanimation était de 9 jours.

À l’admission en réanimation, 29 % des patients ont reçu de l’oxygène « standard », 19 % de l’oxygène à haut débit et 6 % de la ventilation non-invasive. Au cours de leur séjour en réanimation (d'une durée médiane de 21 jours), 80 % des patients ont été intubés et ont reçu de la ventilation mécanique invasive. Plus de 60 % l'ont été dès les 24 premières heures suivant leur admission. Les curares et le décubitus ventral ont été utilisés chez respectivement 88 % et 70 % des patients intubés à J1.

En termes de complications, les auteurs recensent une pneumonie acquise sous ventilation mécanique chez 58 % des patients intubés à J1 et une complication thromboembolique veineuse chez 17 % des patients ; parmi eux, 9 % ont eu une embolie pulmonaire. 28 % des patients ont été dialysés.

Une mortalité croissante avec la gravité du SDRA

Selon les chercheurs, la mortalité était de 31 %, 90 jours après l'admission en réanimation. Celle-ci augmentait avec la gravité du SDRA (calculée en fonction du rapport PaO2/FiO2), s'élevant respectivement à 30 %, 34 %, et 50 % chez les SDRA de gravité faible, moyenne et sévère. Elle est en outre de 36 % chez les patients intubés au cours de leur séjour contre 11 % chez les patients n’ayant pas eu de ventilation mécanique invasive.

Autre constat : le taux de mortalité s'est amélioré entre le début et la fin de l'étude : il est passé de 42 à 25 %, sans que l'on sache si cela est dû à une moindre gravité des atteintes, à une modification du profil des patients ou à une meilleure prise en charge.

Les facteurs de risque indépendamment associés à la mortalité à 90 jours étaient l’âge (avec une surmortalité chez les plus de 74 ans évaluée à 52 % à J90), une immunodépression, une obésité sévère, un diabète, une défaillance rénale ou hémodynamique à l’admission, un faible rapport PaO2/FiO2 (qui représente la gravité du SDRA) et un délai court entre les premiers symptômes et l’admission en réanimation (qui traduit une forme très inflammatoire).

Des durées de prise en charge très longues

« Comparé à la mortalité des patients souffrant de SDRA d'autres origines (rapportée dans la cohorte Lung Safe par exemple), celle des patients Covid est similaire. Mais la durée de séjour en réanimation et d'intubation est bien supérieure dans le Covid-19 », souligne le Dr Schmidt. La durée médiane de ventilation mécanique invasive était de 13 jours, pour les patients Covid, vs 8 jours pour les autres SDRA. Idem pour la durée en réanimation : elle s'élève à 21 jours dans Covid-ICU chez les survivants (voire plus de 36 jours pour 25 % d'entre eux), en médiane, vs 11 jours chez les autres SDRA. Même les 20 % de patients qui n'ont jamais été intubés sont restés 14 jours à l'hôpital, voire plus de 20 jours pour 25 % d'entre eux.

« Les patients Covid vont mettre plus de temps à récupérer, vont être plus dépendants des structures de réanimation. Mais 7 sur 10 survivent à trois mois », observe le Dr Schmidt. Les auteurs de l'étude commentent ainsi : « La gravité de ces patients couplée à des durées de séjour bien plus longues que celles observées chez les patients de même gravité ayant un SDRA non lié à la Covid-19, peuvent expliquer la mise en tension des capacités d’accueil des services de réanimation lors de la première vague. »

* Étude financée par la Fondation AP-HP pour la recherche et un PHRC national (COVID 2020) et réalisée par les équipes de l’AP-HP, de Sorbonne Université, et de l'Inserm à l’Institut Pierre-Louis d'épidémiologie et de santé publique.


Source : lequotidiendumedecin.fr