Diurétiques

Dans l’insuffisance rénale aiguë

Publié le 27/11/2014
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Crédit photo : PHANIE

« Ce n’est pas parce qu’un patient prend d’habitude des diurétiques qu’il lui en faut en réanimation », met en garde le Pr Didier Journois, (hôpital Européen Georges Pompidou, Paris). « Dans l’insuffisance rénale aiguë (IRA) les diurétiques peuvent être dangereux. La raison est simple : ils marchent ! En présence d’un rein même agressé, ils arrivent toujours à faire uriner quelqu’un qui n’en avait pas envie parce que son rein s’était adapté à la situation. La diurèse réjouit le clinicien qui s’oppose ainsi aux coûteux mécanismes de préservation du milieu intérieur. On déshydrate un patient qui souvent n’a pas besoin de l’être. La fonction rénale se dégrade ensuite ? On conclut à une aggravation de la maladie, alors qu’on en est responsable ». Les diurétiques réduisent l’eau plasmatique, le débit cardiaque et la perfusion de tous les organes allant à l’opposé de la performance circulatoire, en général recherchée. « Les effets secondaires très sévères des diurétiques dans l’IRA résultent de la non-compréhension du fait qu’ils sont une réponse iatrogène à une anti-diurèse physiologique ».

L’inflation hydrique a-t-elle des conséquences graves ?

Plutôt que d’examiner globalement l’impact des diurétiques sur la mortalité dans l’IRA, ce qui mène à des querelles d’études contradictoires, le Pr Journois attire l’attention sur la nécessité de bien poser les indications. « En cas d’inflation hydrique importante, l’indication est indiscutable si les conséquences sont graves : insuffisance respiratoire sévère du syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) [le rapport bénéfice/risque est en faveur des diurétiques car ils sauvent la vie en sauvant les poumons, même si les reins sont « sacrifiés »] ou insuffisance rénale ou hépatique sévère majorée par des congestions veineuses (stase veineuse rénale ou hépatique). En revanche, ils ne sont pas indiqués si l’inflation hydrique ne se traduit que par des œdèmes lombaires ou des membres. Le rapport bénéfice/risque est alors très défavorable. Ces œdèmes céderont avec l’évolution de la pathologie sous-jacente », explique le Pr Journois.

Réévaluer les indications toutes les 4 heures

« Cette classe thérapeutique est l’une des plus difficiles d’emploi : indications et contre-indications varient d’un patient à l’autre et dans le temps. Le patient doit en permanence être maintenu dans des conditions optimales pour la reprise naturelle de la diurèse. De façon prolongée et 24 heures sur 24 il convient de réévaluer l’indication du diurétique toutes les 4-6 heures. S’il faut les prescrire, ce ne doit jamais être d’emblée à forte dose pour éviter une réponse excessive. L’idée est au contraire de toujours commencer par le bas. On effectue une titration en débutant toujours par de très faibles doses (0,15 mg/kg) renouvelées toutes les 4 heures. En absence de réponse, doubler la dose jusqu’à la posologie qui convient pour atteindre la dose efficace minimale », recommande le Pr Journois.

D’après un entretien avec le Pr Didier Journois, anesthésiste-réanimateur, HEGP (Paris)

Dr Sophie Parienté

Source : Bilan spécialistes