La manœuvre de Sellick permet-elle réellement de diminuer le risque d'inhalation lors de l'induction de l'anesthésie générale en contexte d'urgence ? Adoptée dans la plupart des recommandations internationales pour l'induction en séquence rapide, cette technique décrite en 1961 avait peu été évaluée.
Un groupe de recherche clinique sur 10 CHU français a mené la première grande étude randomisée sur l'intérêt de la manoeuvre sous la direction du Dr Aurélie Birenbaum et du Pr Bruno Riou, de l'hôpital Salpêtrière (APHP) chez 3 472 patients opérés sous anesthésie générale avec induction en séquence rapide.
Les chercheurs français montrent qu'il n'y a pas eu davantage d'inhalation bronchique dans le groupe procédure simulée que dans celui manœuvre de Sellick. Ces résultats ont reçu le 1er prix lors du Congrès 2018 de la Société française d'anesthésie et de réanimation (SFAR).
En contexte d'urgence et lorsque l'estomac reste plein malgré le jeûne, l'induction en séquence rapide est recommandée pour limiter le risque d'inhalation et repose sur l'administration d'un hypnotique d'action rapide et d'un myorelaxant en association à la manœuvre de Sellick.
Cette technique de compression du cartilage cricoïde est néanmoins controversée. La manœuvre peut rendre l'intubation trachéale plus difficile et être source de complications traumatiques, voire favoriser de manière paradoxale l'ouverture du sphincter du bas œsophage.
Des recommandations à revoir
L'étude a inclus des patients adultes opérés après induction en séquence rapide en raison d'un jeûne incomplet (< 6 heures) ou de la présence d'au moins un facteur de risque (urgence, obésité, sleeve, bypass, gastrectomie), d'un iléus, en post-partum précoce, de gastroparésie diabétique, d'un reflux gastro-œsophagien, d'une hernie hiatale ou de nausées/vomissements.
Une inhalation bronchique a été observée chez 10 patients (0,6 %) du groupe Sellick et 9 patients (0,5 %) du groupe simulé. Sur les critères secondaires, l'étude suggère plus de difficultés d'intubation dans le groupe Sellick.
Pour les auteurs, ces résultats suggèrent de rediscuter les recommandations et de poursuivre la recherche clinique dans les populations particulières exclues de l'étude, telles que les femmes enceintes et les patients intubés en dehors du bloc opératoire.
JAMA Surgery, publié en ligne le 17/10/2018. doi:10.1001/jamasurg.2018.3577
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