Alcaliniser les acidoses ?

Le traitement est avant tout étiologique

Publié le 27/11/2014
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Crédit photo : PHANIE

L’acidose facilite l’apport d’oxygène aux cellules hypoxiques, freine la glycolyse et l’acidification intracellulaire protège de l’apoptose. Cependant les acidoses chroniques (métaboliques ou respiratoires), peuvent induire des anomalies hormonales, une ostéodystrophie avec hypocalcémie ionisée, ou une fatigue musculaire.

Quant aux acidoses aiguës, le débat est ouvert. Les effets délétères habituellement décrits de ce trouble, en particulier cardiovasculaires, ne sont pas réellement démontrés en pathologie humaine. Dans le choc hémorragique, l’acidose métabolique est un des éléments de la triade létale ; cependant l’acidose est plus un témoin de la gravité du choc et sa correction par alcalinisation n’a pas montré d’efficacité sur la morbimortalité. Le traitement de l’acidose respiratoire repose sur la seule correction de la capnie qui corrigera de fait le pH.

Quelle balance bénéfices/risques du bicarbonate de sodium?

Il n’y pas de preuve du bénéfice du bicarbonate de sodium (BS) dans les acidoses métaboliques organiques diabétiques, lactiques ou de l’arrêt cardiorespiratoire. Dans l’acidose hyperchlorémique, la possibilité d’effets délétères (rénal, digestif, neurologique) et pro-inflammatoire de l’excès de chlore incite à prévenir ce trouble par l’administration de solutés équilibrés pauvres en chlore, y compris du BS, sans preuve formelle de bénéfices. Le traitement des acidoses métaboliques hyperchlorémiques en rapport avec une perte de sodium au niveau du tube digestif est affaire de conviction sans preuve à l’heure actuelle d’un bénéfice quelconque de l’alcalinisation (BS, lactate ou citrate de sodium).

Quels sont les risques du BS ? L’acidose avec hypercapnie intracellulaire si le système n’est pas ouvert (élimination pulmonaire du CO2 impossible) ou si le milieu ne contient pas de tampons : le BS produit du CO2 soluble. Sa migration intracellulaire entraîne une acidose intracellulaire dite paradoxale. Les effets indésirables les plus gênants du BS (baisse du calcium ionisé, hypernatrémie, hyperosmolarité, surcharge hydrosodée et hypokaliémie) sont prévenus ou minimisés par les solutions iso- ou hypotoniques en perfusion lente et en évitant les bolus.

Quand alcaliniser par BS ?

Le traitement des acidoses métaboliques organiques est avant tout étiologique :

- réhydrater et insulinothérapie en cas d’acidocétose diabétique même sévère;

- rétablir une hémodynamique et une oxygénation tissulaire correcte en cas d’acidose avec hyperlactatémie (choc);

- rétablir une ventilation et une circulation efficaces au cours de l’arrêt cardiorespiratoire de moins de 10 minutes (ou sans hyperkaliémie associée, intoxication aux antidépresseurs tricycliques ou acidose préexistante). Au-delà et en l’absence de reprise spontanée de circulation, l’administration de BS est possible.

L’alcalinisation par BS en cas de choc septique est sujette à controverse ainsi que le seuil à partir duquel alcaliniser (pH ‹ 7,3, 7,15, voire 7,0 discuté).

Au cours des acidoses métaboliques hyperchlorémiques, l’indication du BS est débattue. L’acidose peut être délétère pour la cellule. Certains optent pour une stratégie symptomatique (BS si le pH est ‹ 7,20) mais le traitement physiopathologique semble plus logique.

Dans les acidoses chroniques, en cas d’in suffisance rénale chronique, le BS apporté par l’hémodialyse limite les effets indésirables (fatigue musculaire, ostéodystrophie, anomalies hormonales) ; dans l’acidose respiratoire chronique généralement peu sévère, la réponse rénale est une alcalose métabolique et l’administration du BS n’est pas justifiée. En cas de ventilation artificielle, l’acétazolamide peut faciliter la baisse des bicarbonates plasmatiques et le sevrage ventilatoire.

D’après un entretien avec le Pr Carole Ichai, hôpital Saint Roch, Nice

Dr Sophie Parienté

Source : Bilan spécialistes