Anticoagulation

Quelle gestion en cas de chirurgie urgente ?

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Publié le 22/11/2018
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anticoagulation

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Crédit photo : PHANIE

La gestion des anticoagulants en cas de chirurgie ou de geste invasif programmé est aujourd’hui assez bien codifiée. La question est un peu plus complexe en cas d’intervention non programmée, notamment parce que la notion même d’urgence cache des situations hétérogènes. Et, en pratique, c’est l’urgence du geste qui guide la conduite à tenir.

« Dans le cas par exemple de la fracture du col, qui implique une intervention dans les 24 à 48 heures, on a le temps de gérer les médicaments antithrombotiques, explique le Pr Pierre Albaladejo (Grenoble). On peut fait un arrêt simple, car les chirurgiens ont appris à opérer les patients sous acide acétylsalicylique ou clopidogrel. Si nécessaire, il est possible de pratiquer une transfusion de plaquettes. Si le patient est sous antivitamines K, l’administration d’un concentré de complexe prothrombinique se discute en fonction de l’INR. Si le patient est sous anticoagulant oral direct, l’arrêt du traitement permet le plus souvent d’atteindre des seuils acceptables, inférieurs à 50 ng/mL. »

Le geste chirurgical au premier plan

« À l’opposé, poursuit le spécialiste, dans les situations d’urgence absolue, comme la dissection de l’aorte, la rupture d’un anévrysme de l’aorte abdominale ou d’autres hémorragies menaçant le pronostic vital, la réalisation du geste chirurgical vient au premier plan. L’intervention sera réalisée en administrant en parallèle un agent de réversion : transfusion de plaquettes, d’un concentré de complexe prothrombinique (CCP), ou d’idarucizumab chez les patients sous dabigatran. » Dans les autres cas, la question de la réversion se pose, surtout chez le patient qui présente un saignement non contrôlable par l’opérateur pendant l’intervention, ou si le saignement persiste après le geste chirurgical.

Il faut ainsi évaluer dans quelle mesure le traitement antiplaquettaire ou anticoagulant contribue au saignement, en se fondant notamment sur l’heure de la dernière prise pour les antiplaquettaires ou sur l’INR en cas de traitement par antivitamines K (AVK). Pour le patient sous anticoagulant oral direct (AOD), il est aujourd’hui possible de s’appuyer sur les tests biologiques, qui se sont développés ces dernières années, disponibles notamment dans les gros centres de soins. Les résultats sont obtenus en une heure en moyenne, ce qui explique leur moindre intérêt dans les urgences menaçant le pronostic vital.

La question des seuils de concentration

La question des seuils de concentration n’est toutefois pas complètement tranchée, et pour l’instant deux seuils sont retenus pour l’indication d’une réversion : l’un inférieur à 30 ng/mL quel que soit l’AOD en cas de neurochirurgie, et l’autre inférieur à 50 ng/mL pour la chirurgie à risque hémorragique moindre.

Pour les patients sous dabigatran, on fait appel à l’idarucizumab s’il est disponible, « en sachant que son administration implique de répéter les mesures de concentration de dabigatran, car de mauvaises surprises sont possibles, en particulier en cas d’insuffisance rénale, précise le Pr Albaladejo. Chez les sujets traités par anti-Xa, il n’y a pas pour l’instant d’antidote spécifique, et la réversion se base sur les CCP, le plus souvent non activés, à des doses plus élevées que chez les sujets sous AVK afin d’activer la coagulation ».

Après l’intervention se pose bien sûr la question de la reprise du traitement. La décision se prend en fonction du risque thrombotique.

« Le vrai progrès, c’est la meilleure communication entre les différents spécialistes, chirurgiens, biologistes, hématologues…, estime le Pr Albaladejo. Depuis les recommandations de 2008, nous avons appris à utiliser les mêmes mots et à prendre des décisions communes. »

 

 

L’intervention sera réalisée en administrant en parallèle un agent de réversion

Entretien avec le Pr Pierre Albaladejo, CHU Grenoble

Dr Isabelle Hoppenot
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Source : Bilan Spécialiste