Agrément accéléré : moins de la moitié des patients améliorent leur survie

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Publié le 03/05/2024
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Une étude parue dans le Jama montre que l’agrément accéléré institué par la FDA manque souvent sa cible en ce qui concerne les anticancéreux. La majorité des produits approuvés par cette procédure d’enregistrement n’a pas montré de bénéfices cliniques dans les essais post-AMM.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Outre-Atlantique, la FDA a institué une procédure d’enregistrement accéléré réservée aux médicaments répondants à des besoins non couverts. Cet agrément se fait en général sur la base de marqueurs intermédiaires considérés comme « raisonnablement » prédictifs d’un bénéfice clinique. À charge toutefois pour le laboratoire de démontrer, par la suite, le bénéfice clinique dans des essais post-AMM. Les anticancéreux ont été nombreux ces dernières années à bénéficier de cette procédure. Mais combien ont ultérieurement pu démontrer un réel bénéfice clinique ?

D’après une récente étude publiée dans le Jama simultanément à sa présentation au congrès de l’American association for cancer research (AACR) à San Diego, une majorité des anticancéreux approuvés en accéléré entre 2013 et 2023 n’a pas montré de bénéfice, que ce soit au regard de la survie ou de la qualité de vie, dans les cinq ans suivant cet agrément (1). « Il faudrait mieux informer les patients à qui sont proposés ces traitements que les preuves sont limitées », concluent les auteurs.

Près de 130 indications d’anticancéreux approuvées en accéléré en 10 ans

Entre 2013 et 2023, 129 indications portant sur des anticancéreux ont été approuvées en accéléré par la FDA. Elles concernaient au total 59 médicaments.

Parmi elles, 46 indications ont été approuvées en accéléré entre 2013 et 2017, dont 22 extensions d’indication et 24 nouvelles indications pour lesquelles on dispose donc de plus de 5 ans de suivi post AMM (6,3 ans de suivi médian).

L’étude s’est focalisée sur ces 46 indications pour examiner le taux de confirmation du bénéfice clinique post-AMM dans les 5 ans. Une seconde analyse porte sur l’ensemble des indications transformées en AMM standard entre 2013 et 2023.

Bénéfice en survie ultérieurement démontré moins d’une fois sur deux

Sur ces 46 indications accélérées approuvées en 5 ans, 29 (63 %) ont été converties en indications standards, 10 (22 %) ont été supprimées et 7 (15 %) restent en cours d’étude.

Plus d’une indication accélérée sur deux a donc été confirmée/transformée en AMM standard dans les 5 ans. Néanmoins, parmi ces 29 indications confirmées, seulement 20 ont démontré un réel bénéfice clinique. On est donc à moins de la moitié des agréments accélérés se traduisant par un bénéfice clinique (20/46) Dans près de la moitié des cas (48 %), il s’agissait d’un bénéfice en survie totale mais, une fois sur cinq (20 % des cas), le bénéfice se limitait à une amélioration de la qualité de vie. Restent en outre 30 % des cas où l’indication accélérée a été convertie en « standard », sans jamais avoir montré de bénéfice ni en survie ni en qualité de vie (on reste sur des critères intermédiaires).

Sur 10 ans toujours autant d’AMM confirmées, sans bénéfice en survie totale

En ce qui concerne les 129 agréments accélérés pris entre 2013 et 2023, au total 66 ont été soit convertis en AMM standards (48 agréments, soit 73 %), soit supprimés (18 indications, soit 18 %). Et, si l’on se concentre sur les indications confirmées, force est de reconnaître que, sur 10 ans, l’autorisation reste fondée moins d’une fois sur deux sur un bénéfice en survie.

En effet sur les 48 agréments confirmés en AMM standards, on a :

- 19 indications (40 %) associées à un bénéfice en survie totale ;

- 21 (44 %) à un simple bénéfice en survie sans récidive ;

- 5 (10 %) à un simple allongement de la durée de réponse ;

- 2 (4 %) fondées sur le seul taux de réponse ;

- Une confirmée alors que l’essai de confirmation était négatif !

Extension fréquente de l’indication lors de sa conversion en AMM standard

Lors de la conversion en AMM standard, 60 % des indications sont modifiées. Plus précisément 40 % des indications sont passées sur une ligne plus précoce (3e, 2e, 1re ligne…) et 20 % ont vu leur indication élargie. Cela est lié au fait que les études de confirmation peuvent être conduites dans des populations différentes de celle de l’étude de l’AMM accéléré. Résultat, même si ces données sont intéressantes, il reste parfois un flou sur l’indication initiale.

Cette analyse dresse donc un bilan en demi-teinte du programme. Il y a quand même une très bonne nouvelle. Les délais avant suppression d’une AMM ont été largement réduits. On est passé de quasi 10 ans à 3 ans et demi. En parallèle, le temps avant la conversion en AMM standard a augmenté, le délai étant passé de un an et demi à trois ans et demi.

(1) Liu ITT et al. Clinical Benefit and Regulatory Outcomes of Cancer Drugs Receiving Accelerated Approval. JAMA. 2024 Apr 7:e242396

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr