Détection des tumeurs urothéliales

BCA-1, un test urinaire novateur

Publié le 10/02/2011
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PAR LE Dr STÉPHANE LARRÉ (*) ET LE Pr OLIVIER CUSSENOT(*)

LES TUMEURS de vessies se présentent classiquement soit sous la forme de tumeurs peu agressives et récidivant fréquemment après traitement, soit sous la forme de tumeurs agressives, plus rares, mais nécessitant un traitement plus invasif. La nature récidivante de ces tumeurs après traitement nécessite la mise en place d’une surveillance répétée. Celle-ci est réalisée à intervalle régulier à l’aide d’une cystoscopie et d’une cytologie urinaire qui la complète. Cette surveillance génère un coût important faisant du cancer de la vessie la pathologie cancéreuse urologique la plus coûteuse.

Pour ces raisons, de nombreuses études se sont penchées sur le développement de tests urinaires non invasifs permettant de détecter ces tumeurs sans avoir recours systématiquement à la cystoscopie. À l’heure actuelle, aucun test urinaire ne s’est révélé suffisamment performant pour s’imposer en pratique clinique courante.

Les tumeurs urothéliales sont caractérisées par des pertes ou des gains fréquents de matériel chromosomique dès les premiers stades de la maladie. Par exemple, la perte d’au moins une partie des bras courts et/ou longs du chromosome 9 est retrouvée dans plus de 50 % des cas. Certaines altérations sont sans effets sur la biologie tumorale et ne reflètent que l’instabilité génétique de la tumeur, mais les pertes d’ADN comprenant des gènes suppresseurs de tumeur ou, au contraire, les amplifications de région contenant des oncogènes peuvent initier ou promouvoir le développement cancéreux de la cellule.

La détection de ces anomalies a déjà été démontrée, par exemple à l’aide du test UroVysion (Laboratoires Abbott) qui utilise une méthode de fluorescence in situ (FISH). Dans ce test, les anomalies sont mises en évidence à l’aide d’un panel de quatre marqueurs identifiant les aneuploïdies des chromosomes 3, 7 et 17 ainsi que les délétions en 9p21.

Notre approche a consisté à développer un test s’appuyant sur une détection plus fine des anomalies cytogénétiques en utilisant les techniques modernes de biologie moléculaire. Nous avons développé une puce de CGH (comparative genomic hybridization) qui permet de rechercher ces anomalies (perte ou gain de matériel chromosomique) sur plus de 340 loci couvrant ainsi 2 % du génome (voir encadré). Les marqueurs ont été choisis spécifiquement pour couvrir des zones de l’ADN spécifiques aux tumeurs de vessies ou associées à des formes plus agressives. Un logiciel (BacMagic +) permet ensuite de visualiser les résultats pour chaque chromosome (Figure).

Un modèle de prédiction.

Les premiers résultats du test portant sur 76 patients ont été récemment rapportés lors du dernier congrés de l’AFU et publié dans la revue European Urology (1). La présence de deux anomalies consécutive sur un bras chromosomique permet de poser le diagnostic urinaire de cancer de la vessie avec une sensibilité de 95 % et une spécificité de 86 %. Les résultats des 340 marqueurs ont aussi été analysés à l’aide de réseaux Bayesiens. Un modèle de prédiction a ainsi pu être établi permettant également de prédire l’agressivité potentielle des tumeurs en prédisant le grade et le stade tumoral avec une précision de 87 % et de 81 % respectivement. Il s’agit d’une propriété tout à fait nouvelle pour un test urinaire.

Les applications possibles sont la détection des tumeurs de vessie dans le cadre de la surveillance ou le diagnostic, en remplacement ou complément de la cystoscopie. Ce test pourrait également remplacer la cytologie urinaire et permettre d’identifier les patients les plus à risque nécessitant des traitements plus agressifs d’emblée. Il s’agit toutefois de résultats préliminaires et le test demande à être évalué en pratique clinique sur des séries conséquentes de malades afin de confirmer les résultats initiaux et d’établir sa place possible dans la stratégie diagnostique et thérapeutique des tumeurs urothéliales. Ce test, non encore commercialisé, a été développé par le Pr Cussenot de l’hôpital Tenon, en partenariat avec la société française Array Genomics. Il peut être réalisé en 24 heures et être partiellement automatisé.

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) Nuffield Department of Surgical Sciences, University of Oxford, Royaume-Uni.

(**) ER2 UMPC, CeRePP, Université Paris 7, France, et University of Oxford, Royaume-Uni.

(1) Larre, S., et coll., Diagnostic, Staging, and Grading of Urothelial Carcinomas from Urine: Performance of BCA-1, a Mini-Array Comparative Genomic Hybridisation-Based Test. Eur Urol, 2010.

Figure

Exemple d’un profil obtenu après analyse de l’ADN urinaire chez un patient porteur d’une tumeur de vessie. Il s’agit du chromosome 7 qui présente ici une perte de son bras court (trait vert horizontal). Le bras long n’est pas touché. La représentation caryotypique du chromosome est indiquée au bas de la figure et le trait vertical rouge représente le centromère.


Source : Bilan spécialistes