Forte activité antitumorale et bonne tolérance

Cancer du poumon : la voie inhalée

Publié le 26/05/2010
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Crédit photo : BSIP

DE NOTRE CORRESPONDANT

IL EXISTE PLUSIEURS moyens d’obtenir une délivrance locale pulmonaire de la chimiothérapie anticancéreuse : principalement, l’administration, au moyen de transporteurs liposomiaux ou de nanoparticules lipidiques, d’oligonucléotides antisens (ASO) et d’ARN à interférence courte (siRNA). Par ailleurs, l’un des mécanismes de résistance de la cellule cancéreuse à la chimiothérapie est représenté par la résistance pompe, où l’antimitotique est refoulé de l’intérieur de la cellule cible vers l’extérieur par des pompes à efflux (ce qui a pour effet d’en réduire la concentration) avec la mise en jeu de protéines MRP (multidrug resistance-associated protein). Un autre mécanisme est la résistance non-pompe, attribuée à l’activation d’un processus de défense cellulaire anti-apoptotique où la protéine BCL2 a un rôle clef.

Forte concentration au niveau pulmonaire.

Les Américains ont émis l’hypothèse que l’inhibition simultanée des résistances pompe et non-pompe, associée à une administration locale des antimitotiques, pourrait augmenter l’efficacité de ces derniers tout en en réduisant les effets secondaires. Cette approche a été évaluée chez un modèle murin de cancer pulmonaire orthotopique : de la doxorubicine (DOX) a été administrée par inhalation (au moyen d’un nébuliseur Collison), combinée à un traitement suppresseur des résistances par des ASO ciblant l’ARNm de MRP1 d’une part, et l’ARNm de BCL2 d’autre part. Pour créer ce modèle expérimental, des cellules de carcinome pulmonaire humain A549 ont été transfectées, avec de la luciférase, dans les poumons de souris « nude » (à système immunitaire déficient). Les résultats ont été analysés à l’aide de la technique de visualisation IVIS.

L’étude de la distribution corporelle des composants du système de délivrance (DDS) de la DOX, dix jours après l’inhalation, indique une forte concentration du médicament au niveau pulmonaire, alors qu’elle est minimale dans les autres organes. Les auteurs constatent que le traitement par inhalation en utilisant un seul DDS complexe (DOX liposomale + ASO ciblant en même temps MRP1 et BCL2) induit une activation supérieure des mécanismes pro-apoptotiques à celle obtenue par un mélange de deux DDS.

L’étude de l’action anti-tumorale au moyen de l’évaluation de l’apoptose par la méthode ELISA confirme, par ailleurs, la supériorité du système de délivrance complexe contenant l’ensemble des composants actifs (DOX, ASO MDR1, ASO BCL2), par rapport au simple mélange de deux DDS, où la DOX est combinée avec l’un ou l’autre des ASO. Enfin, l’inhibition de la croissance tumorale après inhalation de la DOX avec le DDS complexe était attestée par les mesures de la bioluminescence et l’imagerie échographique.

Ces travaux intéressants montrent donc que la régression tumorale observée lors de l’administration de l’antimitotique par inhalation est nettement plus marquée lorsque l’ensemble des produits actifs, soit la doxorubicine et les oligonucléotides antisens transportant les suppresseurs de résistance pompe (MRP1) et non-pompe (BCL2), sont donnés en même temps. Comment expliquer la supériorité de l’administration simultanée des inhibiteurs de résistance par rapport à leur administration indépendante ? L’équipe d’Olga Garbuzenko suggère que, dans ce dernier cas, pour atteindre la même concentration de produits actifs, il faut utiliser deux fois plus de liposomes que lors de l’administration simultanée des inhibiteurs. Or la pénétration des ASO dans la cellule par endocytose est un processus qui requiert de l’énergie. L’utilisation de deux fois plus de liposomes est donc plus gourmande en énergie, ce qui expliquerait, au moins en partie, la différence d’efficacité thérapeutique observée entre l’emploi des inhibiteurs sous forme d’un mélange et leur utilisation simultanée dans les mêmes liposomes.

OB Garbuzenko, G Mainelis et coll. Inhibition of lung tumor growth by complex pulmonary delivery of drugs with oligonucleotides as suppressors of cellular resistance. Proc Natl Acad Sci USA (2010) Publié en ligne.

 Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 8776