Dr Hope Rugo (San Francisco, États-Unis)

Cancer du sein métastatique HR+/HER2- hormonorésistant : un anticorps conjugué prolonge la survie

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Publié le 27/10/2022

Après les cancers du sein triple négatifs, le sacituzumab-govitecan fait ses preuves dans les formes métastatiques (ou localement avancées) avec récepteurs hormonaux positifs (HR+), HER2 négatives (HER2-) et hormonorésistantes, en échec de traitements antérieurs. Les données, présentées à l'ESMO 2022 et publiées dans le Journal of Clinical Oncology, pourraient venir bientôt élargir ses indications (1, 2)…

Crédit photo : ucsfhealth.org

Chez les patients souffrant de cancer du sein métastatique, la chimiothérapie est associée à un faible taux de réponse et une amélioration limitée de la survie. Dans ce contexte, il a été développé des chimiothérapies ciblées, conjuguées à un anticorps monoclonal, dirigées contre les cellules tumorales et/ou leur environnement. C'est le cas du sacituzumab-govitecan (SG), qui allie un métabolite actif d'irinotécan (SN 38) à un anticorps monoclonal anti-Trop 2. Cet anticorps conjugué a récemment été agréé dans les formes métastatiques triples négatives prétraitées, suite à l'étude ASCENT. Cette fois-ci, il a été évalué dans l’essai de phase 3, TROPiCS-02, dans les formes HR+/HER2 hormonorésistantes. Lors du congrès européen d’oncologie (ESMO), la Dr Hope Rugo a présenté la seconde analyse intermédiaire de cette étude, avec les résultats en survie globale. 

Plus de 500 patientes lourdement prétraitées

Cette étude randomisée a été menée chez 543 patientes porteuses d'une forme hormonorésistante métastatique, ou localement récidivantes et inopérables, en échec de plusieurs traitements. Il s'agit de femmes lourdement prétraitées, par au moins une hormonothérapie, un taxane et un inhibiteur CDK 4/6. Elles avaient reçu au moins deux lignes de chimiothérapie métastatique (mais pas plus de quatre). L'essai compare une chimiothérapie laissée au choix de l'oncologue (capécitabine, eribuline, vinorelbine ou gemcitabine) au traitement par sacituzumab-govitecan administré à la dose de 10 mg/kg en intraveineuse à J1, J8 puis toutes les trois semaines jusqu'à progression ou toxicité limitante. Le critère primaire est le risque de progression (analysé en aveugle de manière centralisée) ou de décès. La survie globale médiane constitue un critère secondaire.

Les patientes randomisées étaient relativement jeunes (âge médian de 56 ans), avec très souvent des métastases viscérales (95 %). 

Une réduction de 21 % du risque de décès

« Le sacituzumab-govitecan a démontré une amélioration statistiquement significativement de la survie sans progression (SSP), versus chimiothérapie, avec une réduction de 34 % du risque de progression ou de décès (RR = 0,66 ; 0,53-0,83 ; p = 0,0003) », expliquait la Dr Hope Rugo lors de sa présentation. Plus précisément, la SSP médiane a atteint 5,5 mois (4,2-7 mois) sous sacituzumab-govitecan, versus 4 mois (3,1- 4,4) sous chimiothérapie. Les taux de SSP à 6 et 12 mois atteignent respectivement 46 % avec l’anticorps conjugué (versus 30 % sous chimiothérapie) et 21 % (versus 7 %).

Enfin, ce bénéfice est retrouvé dans la plupart des sous groupes préspécifiés, notamment chez les patientes ayant déjà eu au moins trois chimiothérapies, ayant des métastases viscérales, de même que chez les plus de 65 ans. Ainsi, ces résultats qui rappellent ceux précédemment observés dans l'étude de phase 1/2 (IMMU-132-01 basket study), dans ces mêmes formes HR+/HER2- en échec.

Au terme d'un suivi médian de 12,5 mois, la survie globale est améliorée dans le bras sacituzumab-govitecan : elle s’élève à 14,4 mois (versus 11,2 mois sous chimiothérapie), soit une réduction significative du risque de décès de 21 % (RR = 0,79 ; p = 0,020). « Les patients sous sacituzumab-govitecan prolongeaient leur survie médiane de 3,2 mois par rapport à ceux traités par chimiothérapie », remarquait la Dr Hope Rugo. De plus, ce bénéfice est associé à une amélioration du temps avant détérioration de l'état général.

D'autres études en cours devraient à l'avenir préciser encore l'intérêt de cette option thérapeutique dans les formes HR+, notamment les études de phase 3 additionnelles GBG102-SASCIA et EVER-132-002. 

De toxicités surtout hématologiques et digestives

Concernant la tolérance, les effets secondaires sont dominés par les complications hématologiques. En termes de toxicités sévères (grade ≥ 3), les neutropénies s’élèvent à 51 % sous sacituzumab-govitecan versus 38 % sous chimiothérapie, et les diarrhées à 9 % versus 1 %. En pratique clinique, une surveillance hématologique rapprochée est donc indispensable.

(1) Rugo HS et al. Overall survival (OS) results from the phase III TROPiCS-02 study of sacituzumab govitecan (SG) vs treatment of physician's choice (TPC) in patients (pts) with HR+/HER2- metastatic breast cancer (mBC). ESMO 2022, abstract LBA76
(2) Rugo HS et al. Sacituzumab Govitecan in Hormone Receptor–Positive/Human Epidermal Growth Factor Receptor 2–Negative Metastatic Breast Cancer. JCO 2022. doi: 10.1200/JCO.22.01002

Pascale Solere

Source : lequotidiendumedecin.fr