L’infection à Covid-19 est associée à un risque thrombotique. C’est encore plus vrai chez les patients atteints de cancer, qui présentent un surrisque du fait de leur tumeur, sans compter l’éventuel effet des traitements. Mais, ces traitements anticancéreux ont-ils un effet propre sur ce risque ? C’est ce qu’a exploré une étude menée sur une vaste base de données. Elle met en évidence une augmentation du risque chez les patients porteurs de cancers ayant, dans les trois mois précédents, été traités par des anticancéreux systémiques actifs, par comparaison à ceux non traités durant ce délai (1).
Toutes les catégories d’anticancéreux tendent à augmenter le risque de thrombose veineuse, avec un surrisque de l’ordre de 30 %. Mais seules les immunothérapies ont – du moins dans ce registre –, un effet vraiment significatif. Ce sont donc des patients à suivre très soigneusement.
Près de 5 000 patients hospitalisés en 2020-2021
Les données utilisées sont celles d’une cohorte rétrospective de patients hospitalisés présentant un cancer actif associé à une infection à Covid-19 documentée entre mars 2020 et décembre 2021. Soit des patients dont fort peu avaient été vaccinés.
Ces sujets ont été répartis en cinq groupes, en fonction des thérapeutiques systémiques auxquelles ils avaient été exposés dans les trois mois précédant l’infection. À savoir : endocrinothérapie ; inhibiteurs du VEGF ou de tyrosine kinase ; immunomodulateurs ; immunothérapies (inhibiteurs de check point) ; chimiothérapie. À noter : les patients pouvaient appartenir à plusieurs groupes.
Le critère primaire est l’incidence des thromboses veineuses profondes (TVP) et des thromboses artérielles à 30 jours de l’hospitalisation pour Covid-19, par comparaison à celles du groupe contrôle, constitué de patients ayant un cancer et infectés par le Covid mais n’ayant pas été sous anticancéreux systémique dans les trois derniers mois.
Les critères secondaires sont l’admission en soins intensifs, la ventilation mécanique et la mortalité après thrombose veineuse ou artérielle à 30 jours.
Au total, 4 988 patients ont été retenus dans l’analyse, dont près de 2000 avaient été sous anticancéreux systémique dans les trois mois précédents. Ils ont un âge médian de 69 [59-78] ans, et 48 % sont des femmes. Parmi eux, près de la moitié sont des fumeurs ou ex-fumeurs et plus d’un tiers (36 %) sont obèses. On est à 44 % de cancers actifs, plus 31 % de cancers métastatiques.
Si l’on se réfère au score de Khorana, plus d’un tiers (34 %) ont un risque élevé de thrombose veineuse. D’ailleurs, près de 20 % étaient sous anticoagulant et 30 % sous aspirine à leur admission.
Augmentation des thromboses veineuses mais pas artérielles
Au total, des évènements thrombotiques sont survenus dans 11 % de la population, avec 7 % de thromboses veineuses profondes (TVP), et 4 % de thromboses artérielles.
L’incidence des TVP était plus importante que dans le groupe contrôle, quel que soit le traitement systémique précédemment utilisé. On est à 7 % de TVP après endocrinothérapie, 10 % après inhibiteurs du VEGF ou des tyrosines kinases, 8 % après immunomodulateurs, 12 % après immunothérapie et 10 % après chimiothérapie. Alors que, dans le groupe contrôle, l’incidence des TVP est de 6 %.
Après régression multivariée, le surrisque relatif de TVP est globalement augmenté de 30 % (RRa = 1,33 [1,04-1,69]). En revanche, on n’observe pas de surrisque de thrombose artérielle (Rra = 0,80 [0,56-1,16]), dont l’incidence est comparable ou inférieure à celle observée dans le groupe contrôle.
Enfin, quand on étudie les groupes séparément, seules les immunothérapies sont associées à un surrisque significatif de TVP. Ce risque est augmenté de 45 % (RRa = 1,45 [1,01-2,03]).
D’autres facteurs de risque
Indépendamment de leur traitement anticancéreux, les patients ayant des antécédents de TVP (cela concernait 11 % d’entre eux) ont trois plus de risque de faire une nouvelle complication thrombotique (RRa = 3 [2,38-4,04]).
Dans une moindre mesure, c’est aussi le cas des patients ayant un cancer actif ou progressant (RRa = 1,43), ainsi que ceux porteurs de cancers à haut risque thrombo-embolique (RRa = 1,42), tels les lymphomes, les cancers bronchopulmonaires, rénaux, de l’utérus, de la vessie, du pancréas, des ovaires, de l’estomac, de l’œsophage ou testiculaire.
Enfin ces données confirment que la survenue d’une complication thromboembolique est associée à un mauvais pronostic. À 30 jours, la mortalité atteint 25 %, l’admission en soins intensifs concerne 46 % des patients et le recours à une ventilation mécanique près d’un tiers d’entre eux (31 %). En plus, la mortalité après thrombose est majorée chez les patients ayant eu un traitement anticancéreux systémique, comparativement au groupe contrôle (46 vs 38 %).
« Ce travail confirme que le risque thromboembolique d’un patient atteint de cancer, infecté par le Covid-19, dépend à la fois de son risque initial de TVP lui-même, influencé par le type de cancer et son stade, et des traitements systémiques anticancéreux utilisés, qui influencent aussi le risque », résume l’auteur.
(1) S Gulati et al. Systemic Anticancer Therapy and Thromboembolic Outcomes in Hospitalized Patients With Cancer and Covid-1. JAMA Oncol 2023. Published online August 17, 2023
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