Des recommandations sur la préservation de la fertilité chez les patients atteints de cancer ont été publiées en avril 2021 par l’Institut national du cancer (INCa). Il faut discuter de cette problématique avec tous les patients concernés, même si une prise en charge n’est pas nécessaire pour tous.
La prise en charge d’un cancer peut altérer la fertilité. Quelles solutions proposer et à qui ? L’Institut national du cancer (INCa) a chargé l’Association francophone des soins oncologiques de support (AFSOS) d’établir des recommandations sur la préservation de la fertilité chez les hommes et les femmes atteints de cancer. La coordination en a été assurée par le Pr Éric Huyghe, chirurgien urologue-andrologue au CHU de Toulouse, membre du groupe experts (GEX) Sexualité de l’AFSOS et responsable du comité d’andrologie et de médecine sexuelle de l’Association française d’urologie.
Ces recommandations, fruits du travail d’un groupe d’experts des différentes spécialités impliquées dans la prise en charge du cancer (oncologues, médecins et biologistes de la reproduction, gynécologues, urologues, onco-pédiatres, hématologues, spécialistes de la santé publique, etc.) et de représentants d’associations de patients, ont été publiées en avril 2021.
Dès l’annonce du diagnostic
« Toute enfant, adolescente (et leurs représentants légaux) et femme en âge de procréer [doit être informée] du niveau de risque de gonadotoxicité et/ou d’insuffisance ovarienne prématurée en fonction du protocole de chimiothérapie envisagé dès la consultation d’annonce du diagnostic et/ou de la proposition thérapeutique (Grade A) », insiste l’INCa.
Ainsi, il est recommandé de proposer de façon systématique une consultation de préservation de la fertilité pour toute patiente de moins de 38 ans devant recevoir un protocole de soins comprenant des agents alkylants à haute toxicité ovarienne (Grade A). « Entre 38 et 40 ans, il est recommandé de discuter au cas par cas l’indication de la préservation de la fertilité (avis d’experts) car à cet âge, toutes n’ont pas une réserve ovarienne suffisante », est-il précisé. C’est également à faire en cas de chimiothérapie à haut risque ou encore en cas de risque de rechute ou d’intensification. Chez les jeunes de moins de 15 ans, c’est à proposer en cas de chimiothérapie contenant plus de 6 g/m2 équivalent cyclophosphamide (Cyclophosphamide Equivalent Dose ou CED) ou encore, en présence d’un risque de rechute ou d’intensification.
En pratique, sont principalement concernées les femmes qui ont une hémopathie (lymphomes, leucémies aiguës), un sarcome, un cancer du sein et les femmes nécessitant une chirurgie ovarienne. Se pose enfin le problème de la radiothérapie pelvienne avec irradiation ovarienne significative qui nécessite de discuter du déplacement de l’ovaire en dehors du champ d’irradiation (transposition ovarienne), au moins pour préserver la fonction ovarienne endocrine. La conservation de tissu de l’ovaire unilatéral, associée à une transposition controlatérale, se discute. « La cryoconservation d’ovocytes matures est au point, mais elle peut nécessiter jusqu’à 15 jours en fonction du moment du cycle où est diagnostiqué le cancer, lit-on. Or, il n’est pas toujours possible de différer le début du traitement en cas de leucémie aiguë. La cryoconservation de tissu ovarien peut donc être une option dans ce cas ».
Conservation de sperme quelle que soit la toxicité
Chez les hommes, la conservation de spermatozoïdes est recommandée dès la puberté en cas de cancer traité par chimiothérapie, indépendamment de la toxicité du traitement, car il s’agit d’une technique non invasive et facile d’accès. Elle doit également être proposée en cas de chirurgie du testicule (uni- ou bilatérale), de chirurgie pelvienne radicale (prostate, vessie, rectum, voies séminales, curage ganglionnaire du rétropéritoine). « Or, encore beaucoup d’hommes avant 60 ans n’en sont pas informés », note le Pr Huyghe. Il est enfin recommandé de conserver du tissu testiculaire en cas d’azoospermie, d’impossibilité de congeler ou d’éjaculer.
Chez le garçon, on sait aujourd’hui récupérer du tissu testiculaire chirurgicalement, mais on ne sait pas encore le réutiliser. La chirurgie de préservation testiculaire est donc réalisée avec l’idée que dans quelques années, cet obstacle sera sans doute levé. En pratique, cette préservation doit être proposée si la toxicité du traitement est élevée (CED > 7,5 g/m2) ou en cas de radiothérapie supérieure à 3 Gy sur les deux testicules, « car avec ces traitements, la fertilité risque fort d’être compromise si rien n’est fait », ajoute le chirurgien. C’est à discuter au cas par cas pour des chimiothérapies avec un CED entre 5 et 7,5 g/m2 ou une radiothérapie entre 2 et 3 Gy.
Chez la fille de moins de 15 ans, la recommandation est de récupérer du tissu ovarien immature par cœlioscopie, pour une chimiothérapie avec un CED > 6 g/m2 et/ou un risque de rechute avec intensification. Quelques cas de grossesses spontanées avec naissance d’un enfant vivant ont eu lieu après greffe de tissu ovarien conservé durant l’enfance.
Attention enfin au suivi de la fertilité, après la guérison du cancer. Une consultation en médecine de reproduction doit être faite à 18 ans si on a conservé du tissu gonadique (testiculaire ou ovarien) ou des gamètes. Le rythme de surveillance se fait au cas par cas, car les organes reproducteurs peuvent se remettre à fonctionner des années après le traitement. « Le suivi du développement pubertaire est important, tout comme le bilan hormonal et des spermogrammes chez le garçon. Une contraception est enfin recommandée aux adolescents durant deux ans après une chimiothérapie mutagène susceptible d’entraîner une altération de l’ADN des spermatozoïdes », conclut le Pr Huyghe.
Synthèse des recommandations à consulter sur le site de l’INCa : www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/Collections/Recommandations-et-referentiels#collection_50622