A l’inverse de ce qui était supposé

Cancer ne veut pas dire dépression

Publié le 24/01/2011
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QUAND on voit le nombre croissant des personnes traitées pour cancer, alors que la dépression est souvent sous-diagnostiquée et négligée, on conçoit le besoin urgent de programmes de dépistage systématiques de la dépression ainsi que des troubles l’humeur qui l’accompagnent, notamment l’anxiété et les troubles d’adaptation*.

La méta-analyse réalisée par Alex Mitchell, Nicholas Meder et coll. est la première publication où des spécialistes ont réuni des données solides pour analyser quantitativement le troubles de l’humeur chez les patients cancéreux. Les études antérieures étaient peu précises. Ainsi, une publication fait état d’une prévalence de la dépression chez les cancéreux qui peut se situer entre 0 % et 38 % ; Hotopf et coll, donnent une estimation entre 5 % et 26 %. Deux autres publications avec un échantillonnage correct de la population étudiée donnent des chiffres avoisinant 12 à 13 %, ce qui est inférieur à ce qui a été habituellement trouvé.

Dépressions majeures et mineures.

« Notre étude incorpore et actualise extensivement ces données, en faisant notamment une distinction claire entre les dépressions majeures et mineures, les dysthymies, les troubles de l’adaptation et les troubles anxieux. Les sous-types de l’anxiété (syndrome de stress post-traumatique, trouble panique et trouble anxiété généralisée), n’ont pas pu être analysés car les données sont insuffisantes. »

Après avoir exclu 25 études pour des raisons méthodologiques, les auteurs ont extrait des données de 94 études indépendantes, totalisant 14 078 patients qui ont été interrogés sur l’existence de troubles de l’humeur, en s’aidant de méthodes fondées sur les critères du DSM, afin d’éviter les biais de sélection. Ces 94 études se composaient de 70 études réalisées dans des services d’oncologie et d’hématologie et 24 provenant de centres de soins palliatifs.

Pendant les cinq premières années qui suivent le diagnostic, la prévalence de la dépression et de l’anxiété est modeste, « ce qui suggère que la dépression n’est pas une conséquence inévitable du cancer. »

Si on ne fait pas de distinction entre la dépression et les autres troubles de l’humeur, on trouve une prévalence de l’ensemble qui est de 30 % dans les services hospitaliers de cancérologie.

Cancérologie et soins palliatifs.

Un autre fait marquant est qu’il n’y a pas de différence significative dans les taux de dépression et de troubles anxieux entre les services de cancérologie et les centres de soins palliatifs.

Dans les données réunies par les investigateurs, la prévalence de la dépression toutes formes confondues est de 16,5 % (14,3 % de formes majeures et 9,6 % de formes légères), mais le chiffre atteint 24 % lorsqu’on combine tous les types de dépression (légères, modérées, majeures). La prévalence des troubles d’adaptation est de 15,4 %, celle des troubles anxieux de 9,8 %.

Dans le cadre du cancer, la présence d’une dépression peut limiter l’observance, prolonger le séjour à l’hôpital, voire affecter la survie. C’est donc un paramètre important à prendre en compte. En adaptant les critères de dépistage pour se focaliser sur des critères plus spécifiques de la situation, tels que la détresse, les activités de la vie quotidienne, la qualité de vie, les besoins non respectés et les désirs d’aide.

The Lancet Oncology, en ligne le 19 jenvier 2011, doi :10.1016/S1470-2045(11)70002-X.

* Un trouble d’adaptation est un ensemble de symptômes de la sphère psychiatrique qui s’installent après un stress particulier, tel le stress lié à la maladie cancéreuse.

Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8891