Cancer urothélial avancé ou métastatique : une chimiothérapie ciblée fait mieux que le platine en première ligne

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Publié le 05/04/2024
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Elle avait montré sa supériorité en seconde ligne, du cancer urothélial avancé ou métastatique : l’association enfortumab vedotin/pembrolizumab améliore aussi les survies dès la première ligne.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Depuis les années 1980, la chimiothérapie utilisant des sels de platine constitue le traitement de référence de première ligne des cancers urothéliaux avancés et métastatiques. Mais, même sous chimiothérapie platine/gemcitabine, ces carcinomes urothéliaux restent grevés d’un pronostic sombre, avec une survie limitée à cinq ans. Et l’ajout d’une immunothérapie n’améliore pas significativement cette survie.

C’est pourquoi une chimiothérapie ciblée a été développée : il s’agit de l’enfortumab vedotin, combinant un médicament perturbant l’assemblage des microtubules et un anticorps monoclonal de type IG-1 kappa, ciblant la nectine-4. Associée à une immunothérapie anti-PD1, le pembrolizumab, cette bithérapie a fait ses preuves en seconde ligne chez les patients en échec après platine.

Aujourd’hui, une étude de phase 3 menée en première ligne montre que cette association permet d’améliorer non seulement la survie sans récidive mais aussi la survie totale, comparativement à la chimiothérapie au platine (1). Si on s’affranchit de la question du surcoût, non négligeable, cette stratégie pourrait bientôt constituer un nouveau standard en première ligne de ces cancers urothéliaux avancés et métastatiques (2).

Une étude randomisée ouverte sur près de 900 patients dont 95 % au stade métastatique

L’étude EV-302 est un essai de phase 3 ouvert randomisé mené sur 185 sites dans 25 pays, sur des patients souffrant de cancer urothélial avancé ou métastatique non prétraité.

Les sujets ont été randomisés en deux bras, avec une stratification sur l’éligibilité au cisplatine (vs carboplatine), le taux d’expression PD-L1 et la présence ou non de métastases hépatiques. Au total, 886 patients ont été randomisés et traités jusqu’à progression — ou intolérance ou décès — par l’association enfortumab vedotin/pembrolizumab (enfortumab vedotin 1,25 mg/kg IV sans dépasser 125 mg par dose à J1 et J8, et pembrozilumab 200 mg en IV à J1, par cycles de trois semaines), ou par la chimiothérapie de référence à base de platine (gemcitabine IV 1 g/m² à J1 et J8 plus cisplatine ou carboplatine à J1 par cycles de trois semaines).

Ces sujets ont 69 ans d’âge médian, 77 % sont des hommes. Ils sont en bon état général (97 % Ecog 0-1). Leur tumeur est le plus souvent localisée dans le bas appareil urinaire (75 %). Une grande majorité sont au stade métastatique (95 %) et quasi un sur quatre présente des métastases hépatiques (23 %). Par ailleurs, la moitié des patients ont une tumeur exprimant fortement PD-L1 (58 % ont un PD-L1 ≥ 10). Enfin, un peu plus d’un sur deux pouvaient recevoir du cisplatine (54 %).

Les critères primaires sont la survie sans progression, évaluée par un expert indépendant en aveugle (critères Recist) et la survie totale. Sachant qu’un contrôle scanographique était réalisé toutes les 9 semaines durant les 18 premiers mois, puis toutes les 12 semaines. Les taux de réponses, leurs durées, le délai avant progression douloureuse et les toxicités constituent les principaux critères secondaires.

Allongement de la survie sans progression et de la survie totale

Au terme de 17 mois de suivi médian, la survie sans progression est significativement plus longue dans le bras enfortumab vedotin/pembrolizumab : 12,5 versus 6,3 mois en valeurs médianes, soit un quasi-doublement (RR = 0,45 [0,38-0,54] ; p < 0,001). On retrouve le même bénéfice en termes de survie totale : la survie totale médiane est à 31,5 mois dans le bras enfortumab vedotin/pembrolizumab, versus 16,1 mois sous chimiothérapie au platine (RR = 0,47 [0,38-0,58] ; p < 0,001). Et ce bénéfice se retrouve dans tous les sous-groupes préspécifiés, en particulier indépendamment du taux d’expression en PD-L1 et de l’éligibilité au cisplatine.

Les taux globaux de réponses sont améliorés (67 % vs 44 %), de même que les réponses complètes (30 % vs 12 %). II est en de même de leurs durées, avec une durée médiane de réponse de sept mois sous platine quand, dans le bras enfortumab vedotin/pembrolizumab, la durée médiane n’était toujours pas atteinte à 17 mois de suivi médian.

Résultat, les patients du bras enfortumab vedotin/pembrolizumab ont reçu en médiane 12 cycles de traitement (traitement jusqu’à progression), contre 6 cycles dans le bras chimiothérapie au platine.

On a eu toutefois plus d’arrêts de traitement pour effets secondaires dans le bras enfortumab vedotin/pembrolizumab (22 % vs 14 %) même si les effets indésirables de grade supérieur ou égal à 3 n’étaient pas plus nombreux (59 % dans le bras enfortumab vedotin/pembrolizumab vs 69 % dans le bras platine)

(1) T Powles et al. Enfortumab Vedotin and Pembrolizumab in Untreated Advanced Urothelial Cancer. NEJM 2024 ; 390 : 875-88

(2) G Niegisch et al.Enfortumab Vedotin and Pembrolizumab : A New Perspective on Urothelial Cancer. NEJM 2024; 390: 944-46

Pascale Solere

Source : lequotidiendumedecin.fr