Les cancers colorectaux présentant une haute instabilité satellitaire (MSI-H) liée à un déficit de réparation des mésappariements de l’ADN (dMMR) sont des tumeurs très mutées de mauvais pronostic, peu sensibles aux chimiothérapies et aux thérapies ciblées. Or, au stade métastatique, près de 10 % des cancers colorectaux sont MSH/dMMR.
L’immunothérapie s’est révélée très intéressante dans ces tumeurs. Depuis 2001, une immunothérapie simple utilisant le pembrolizumab (anti-PD1) est agréée en première ligne. Et, sur la base d’une étude de phase 2 (CheckMate 142), le nivolumab (anti-PD1) a été agréé dans plusieurs pays en seconde ligne, associé ou non à l’ipilimumab (anti-CTLA4).
Aujourd’hui, l’étude Check Mate 8HW apporte de nouvelles données en première ligne sur cette double immunothérapie nivolumab/ipilimumab. Les premiers résultats présentés lors de l’Asco-GI fin janvier 2024 montrent que ce doublet fait nettement mieux qu’une chimiothérapie, en termes de survie sans récidive. On attend toutefois encore les résultats du bras comparatif versus immunothérapie simple (nivolumab), qui permettront de mieux mesurer le bénéfice de l’intensification de l’immunothérapie dans ces tumeurs.
Une vaste étude de phase 3 dédiée aux tumeurs MSI-H/dMMR
Cette étude de phase 3 porte sur des patients atteints d’un cancer colorectal métastatique ou récurrent non opérable à tumeur MSI-H/dMMR. Au total, plus de 800 patients ont été recrutés et randomisés en trois bras (1/2/2) :
- chimiothérapie plus ou moins bevacizumab ou cetuximab ;
- nivolumab en monothérapie ;
- bi-immunothérapie associant nivolumab et ipilimumab.
300 patients étaient naïfs, donc en première ligne de traitement ; ils ont été randomisés en proportion 2/1 dans les bras nivolumab/ipilimumab (n = 202) et chimiothérapie (n = 101). Les résultats intermédiaires présentés lors de l’Asco-GI ne portent que sur ces patients naïfs et sur la comparaison des bras chimiothérapie versus doublet d’immunothérapie, dont les survies sans progression ont été objectivées en aveugle. Il est prévu par la suite, quand les données seront matures, d’examiner les bras nivolumab/ipilimumab sur l’ensemble des patients, quelle que soit leur ligne de traitement (n = 840).
Près de 80 % de réduction des progressions ou décès à 2 ans de suivi
L’analyse porte sur les deux ans de suivi médian (24,3 mois) des 255 patients dont le statut tumoral MSI-H-/dMMR avait pu être confirmé de manière centralisée par immunochimie ou PCR.
72 % des patients du bras nivolumab/ipilimumab n’ont ni progressé ni décédé. Quand, on est à seulement 14 % de survie sans progression ni décès dans le bras chimiothérapie, plus ou moins biothérapie. Soit une réduction de près de 80 % du risque de progression ou décès (RR = 0,21 [0,14-0,32] ; p < 0,0001).
Les profils de toxicité sont bien différents entre les bras. Néanmoins, globalement, on a observé moins de toxicités de grade 3-4 dans le bras doublet d’immunothérapie, où l’on est à 23 % de grades 3-4, versus 48 % dans le bras chimiothérapie, celles-ci ayant mené respectivement à 12 % versus 10 % d’interruptions de traitement.
« Ces résultats impressionnants pourraient venir modifier en pratique la première ligne de traitement des cancers métastatiques MSI-H/dMMR et représenter une nouvelle option de traitement », selon le Pr Thierry André (CHU Saint Antoine, Paris), qui coordonne cet essai.
(1) T Andre et al. Nivolumab (NIVO) plus ipilimumab (IPI) vs chemotherapy (chemo) as first-line (1L) treatment for microsatellite instability-high/mismatch repair-deficient (MSI-H/dMMR) metastatic colorectal cancer (mCRC): First results of the CheckMate 8HW study. LBA 768, Asco GI 2024.
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