Conséquences de la pandémie : l'ESMO alerte sur les soins en oncologie en Europe

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Publié le 14/09/2020
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Crédit photo : Phanie

Deux études présentées en amont du congrès virtuel de la Société européenne d'oncologie médicale (ESMO), qui se tiendra du 19 au 21 septembre, laisse craindre un effet délétère important de la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19 sur la prise en charge des cancers.

La première étude est une enquête menée auprès de centres de 18 pays européens. Une majorité d'entre eux, 60,9 % ont reconnu une baisse de leur activité clinique lors du pic épidémique. Près de deux tiers d'entre eux (64,2 %) expriment des craintes quant à des patients qui n'auraient pas bénéficié de tous les traitements nécessaires, et 37 % craignent pour la bonne tenue des essais cliniques. Par ailleurs, 44,1 % des centres interrogés affirment avoir dû retarder voire annuler des opérations chirurgicales, et un quart d'entre eux ont dû faire de même pour des séances de chimiothérapie, et 13,7 % en ce qui concerne la radiothérapie.

Retard dans le diagnostic

Selon le premier auteur, le Dr Guy Jérusalem, du centre hospitalier universitaire Sart Tilman, en Belgique, « la crise du Covid-19 a eu un impact important sur le bien-être des personnels soignants et sur l'activité de recherche clinique. Il existe un risque important de retard dans le diagnostic des nouveaux cancers ». Les soins palliatifs aussi sont concernés, puisque 32,1 % des centres interrogés affirment avoir dû y mettre fin précocement pour certains patients.

Une autre étude a inclus 356 centres de 54 pays, interrogés par l'équipe du Dr Abdul-Rahman Jazieh, de la cité médicale du roi Abdulaziz à Riyad, en Arabie Saoudite. La moitié des centres rapportent des cas de Covid-19 chez leurs patients ou les membres de leurs personnels. Dans 55 % des cas, l'accueil a été réduit, et dans 20 % des cas, cette décision n'a pas été planifiée, mais prise face à une situation devenue ingérable (pénurie d'équipement de protection, de médicament ou de personnel).

Un patient sur 10 a eu un traitement incomplet

Conséquence de cette situation : 46 % des centres estiment qu'au moins 10 % de leurs malades n'ont pas eu au moins une séance de chimiothérapie ou de traitement ambulatoire. En réaction, 83,6 % des centres ont mis en place des téléconsultations qui, dans leur écrasante majorité, se poursuivront après la pandémie.

« Même avant la pandémie, la pression sur les professionnels de santé augmentait en Europe et dans le monde, du fait de l'augmentation de la prévalence des cancers », commente le Dr Rosa Giuliani, directrice des politiques publiques de l'ESMO, qui plaide pour « une action harmonisée dans l'Union européenne ».

Des propositions concrètes pour aider les soignants

L'ESMO a mis en place un groupe de travail autour de la résilience concernant différents points : bien être des patients, risque de burn-out des personnes de santé, performance au travail, etc. La société savante lui a donné pour mission de se pencher sur l'impact de la pandémie et de proposer des interventions spécifiques à même d'aider les équipes à surmonter cette épreuve.

L'impact sur la survie « ne se matérialisera que dans le futur, quand les études en vie réelle et les données des registres seront disponibles », indique le Dr Stefan Zimmermann, porte-parole de l'ESMO. « Pour l'instant, il est légitime de se demander s’il n'y a pas d'autres facteurs au-delà du Covid-19 qui aurait pu peser sur l'oncologie au moment même où la pandémie dévoilait les faiblesses dans l'organisation des soins », précise-t-il.

Avant la crise de Covid-19, on estimait que le cancer allait être responsable de 2,7 millions de nouveaux cas en 2020, et de 1,3 million de décès. Il faudra attendre plusieurs mois et la consolidation des données pour savoir dans quelle mesure ces prévisions auront été bouleversées par la crise sanitaire.


Source : lequotidiendumedecin.fr