La double chimiothérapie fait ses preuves

Démonstration à la française dans le cancer du poumon du sujet âgé

Publié le 19/09/2011
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Crédit photo : S TOUBON

DU FAIT de l’augmentation de l’espérance de vie dans la population générale, on a observé un accroissement de l’incidence du cancer du poumon chez les sujets âgés. Ce qui fait que l’âge médian au moment du diagnostic du cancer du poumon est, dans les pays développés, de 63 à 70 ans.

Pourtant, les sujets âgés sont sous-représentés dans les essais cliniques ; ils pourraient donc ne pas recevoir le traitement le plus approprié, vraisemblablement en raison du pessimisme des médecins, des patients et des familles en ce qui concerne la pertinence du traitement et les effets secondaires.

Et, de fait, la proportion des sujets âgés qui reçoivent le traitement de première ligne est faible (dans une étude américaine sur plus de 21 000 patients de plus de 66 ans atteints d’un cancer du poumon NAPC, seuls 25,8 % ont reçu le traitement de première ligne). Un essai randomisé chez des plus de 70 ans a montré que l’association vinorelbine et gemcitabine ne fait pas mieux que chacun des produits isolément. C’est ainsi que, dans ses recommandations de 2004, la Société américaine d’oncologie clinique (ASCO) a proposé la monothérapie chez les sujets âgés atteints d’un cancer du poumon NAPC, alors que la chimiothérapie double à base de platine est recommandée chez les sujets jeunes. Toutefois, des analyses post-hoc d’essais de phase III ont suggéré que la chimiothérapie double, dans des sous-groupes de sujets âgés soigneusement sélectionnés, pouvait donner une survie similaire à celle des patients jeunes.

C’est dans ce contexte que l’Intergroupe francophone de cancérologie thoracique a conduit un essai multicentrique randomisé de phase III chez des patients de plus de 70 ans atteints d’un cancer du poumon NAPC avancé, recevant soit une monochimiothérapie soit une double chimiothérapie à base de platine.

Soixante-et-un centres français.

Entre avril 2005 et décembre 2009, des patients ont été enrôlés dans 61 centres français (15 hôpitaux universitaires, 4 centres anticancéreux et 42 hôpitaux locaux). Les patients étaient éligibles s’ils avaient entre 70 et 89 ans, avaient un cancer du poumon NAPC prouvé histologiquement ou cytologiquement, de stade IV non résécable ou de stade III ne pouvant bénéficier d’une radiothérapie radicale ; et un score de statut de performance OMS de 2 ou moins.

Les patients ont été assignés dans un rapport 1:1 à deux groupes de traitement :

- les patients du groupe double chimiothérapie recevaient carboplatine (J1) et paclitaxel (J1, 8 et 15), les cycles étant répétés toutes les quatre semaines ; quatre cycles maximum ;

- les patients du groupe monochimiohérapie recevaient soit la vinorelbine (J1 et 8) soit la gemcitabine ( (J1 et 8) ; les cycles étant répétés toutes les trois semaines ; cinq cycles maximum.

Au total, 451 patients ont été enrôlés, 226 dans le groupe monothérapie et 225 dans le groupe chimiothérapie double. La moyenne d’âge était de 77 ans. Le suivi moyen a duré 30,3 mois.

Survie à un an : 44,5 % contre 25,4 %.

Les résultats sont les suivants :

- la médiane de survie a été de 10,3 mois dans le groupe double chimiothérapie contre 6,2 mois dans le groupe monothérapie (hazard ratio : 0,64) ;

- la survie à un an a été de 44,5 % dans le groupe chimiothérapie double contre 25,4 % dans le groupe monothérapie ;

- les effets toxiques ont été plus fréquents dans le groupe chimiothérapie double, notamment baisse des neutrophiles (n = 108 versus 28) et asthénie (n = 23 versus 13).

« Malgré davantage d’effets toxiques, la chimiothérapie double à base de platine était associée à un bénéfice de survie par rapport à la monothérapie par vinorelbine ou gemcitabine chez les patients âgés atteints d’un cancer du poumon NAPC. Nous pensons que le paradigme thérapeutique actuel pour ces patients devrait être reconsidéré », concluent les auteurs.

Élisabeth Quoix, Gérard Zalcman, Jean-Phiippe Oster et coll., pour l’Intergroupe français de cancérologie thoracique. Lancet du 17 septembre 2011, pp. 1079-1088.

 Dr EMMANUEL DE VIEL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9006