Cancer ORL associés à un papillomavirus

Des caractéristiques particulières

Publié le 21/10/2009
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L’INTÉRÊT pour le rôle des papillomavirus (HPV) dans la genèse de cancers de l’oropharynx date de 1983 (1). C’est en effet à cette date, que des aspects morphologiques compatibles avec une infection virale ont été décrits dans ces cancers. La présence du virus a été mise en évidence dans plus de 50 % des cancers à ce niveau. Toutefois, les HPV sont associés à diverses pathologies, y compris du larynx. L’association entre le virus et la lésion n’en fait pas en soi une cause. Certains HPV ne sont pas oncogènes, et des co-infections sont possibles.

Une prévalence en augmentation.

Sur le plan épidémiologique, A. Chatuverdi et coll. Avaient mis en évidence une augmentation de 0,65 % par an de l’incidence des cancers de l’oropharynx supposés liés à l’HPV (2) et les auteurs suédois faisaient part également de cette augmentation régulière des cancers associés aux HPV. Une revue très récente de la littérature suggère que 25 % des carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou (HNSCCs) seraient associés à une infection par HPV, la fréquence de l’association atteignant 60 % pour les carcinomes oropharyngés, en particulier de la langue et des amygdales (3). Il existe toutefois une grande dispersion des chiffres de prévalence dans la littérature. Dans tous les cas, c’est le HPV16 qui est largement prédominant, comme dans les cancers et dysplasies du col.

Bien que le tabac et l’alcool demeurent les premières causes de cancers de la tête et du cou, l’incidence des tumeurs qui leur sont liées reste stable depuis 1983 (4). Ces constatation incitent à poursuivre les efforts dans la lutte contre le tabagisme et l’intoxication œnolique, en particulier chez les jeunes, mais soulignent également le bénéfice possible de la vaccination préventive anti-HPV.

Des tumeurs de meilleur pronostic.

Les cancers de l’oropharynx associés aux HPV ont un profil particulier : ils surviennent chez des patients plus jeunes, avec une moindre prédominance masculine et semblent de meilleur pronostic, ce qui semble lié à une plus grande chimio- et radio-sensibilité. Ces notions restent à valider sur des études prospectives de forte puissance. Sur le plan physiopathologique, les oncogènes viraux inhibent spécifiquement les protéines suppressives de tumeur p53 et pRb, ce qui rend compte de la perte de contrôle de la prolifération cellulaire. Les marqueurs caractéristiques de l’infection virale que sont la charge virale, l’intégration du génome viral et en post-thérapeutique, la persistance de l’ADN viral dans la muqueuse traitée méritent d’être prospectivement étudiés pour évaluer leur valeur de marqueurs pronostiques ; ainsi la charge virale a une valeur prédictive de lésion de haut grade et de progression tumorale dans les cancers du col, et elle présente de l’intérêt pour moduler le suivi post-conisation pour les lésions de haut grade. En revanche, elle n’a pas de valeur pronostique en termes de survie. Pour les cancers des VADS, les études disponibles sont peu nombreuses. Cette intégration est plus élevée dans les cancers tonsillaires. L’expression de l’ARN messager E6/E7, enfin, est un facteur prédictif de progression des lésions précancéreuses du col et probablement un facteur pronostique défavorable en terme de survie. Dans les VADS, cette expression prédomine dans les cancers tonsillaires.

Sur le plan anatomopathologique, les tumeurs à HPV semblent plus souvent de type peu différencié (basaloïdes) (5). Toute étude prospective de traitements des cancers des VADS et surtout de l’oropharynx et cavité buccale doit désormais comporter une stratification en fonction du statut HPV. Celui-ci constituera dans les années qui viennent un marqueur préthérapeutique indispensable dans les cancers ORL. Il n’est pas exclu en effet que ces cancers puissent bénéficier de déflation en terme de radiothérapie, à condition que le pronostic n’en soit pas mis en danger. Les vaccins préventifs de l’infection à HPV vont modifier la fréquence des cancers de l’oropharynx. Des vaccins curatifs sont à l’étude.

D’après un entretien avec le Pr Jean Lacau St Guily (hôpital Tenon, Paris)

Références

(1) Syrjanen K et coll. Morphological and immunohistochemical evidence suggesting human papillomavirus (HPV) involvement in oral squamous cell carcinogenesis. Int J Oral surg 1983 ; 12: 418-24.

(2) Chaturvedi AK, et coll. Incidence trends for human papillomavirus-related and -unrelated oral squamous cell carcinomas in the United States. J Clin Oncol 2008 ; 26 (4) 612-9.

(3) Marur S, Forastiere AA. Head and neck cancer : changing epidemiology, diagnosis, and treatment. Mayo Clin Proc 2008 ; 83 (4) : 489-501.

(4) Winer E, et coll. Clinical cancer advances 2008 : major research advances in cancer treatment, prevention, and screening – A report from the American Society of Clinical Oncology. J Clin Oncol 2009 ; 27 (5) : 812-26.

(5) Fakhry C, et coll. Prognostic significance of human papillomavirus (HPV) tumor status for patients with head and neck squamous cell carcinoma (HNSCC) in a prospective, multi-center phase II clinical trial. J Clin Oncol 2007 ; 25 (18S) : 6000.

Dr GÉRARD BOZET

Source : lequotidiendumedecin.fr