Cancérologie à Bordeaux

Des patients « partenaires » de la recherche

Publié le 08/03/2018
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patient partenaires

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Crédit photo : PHANIE

Dans un centre de recherche, on voit peu de patients. Souvent réduits à des objets d’étude, ils n’ont guère de lien avec les chercheurs. Et s’ils prenaient davantage part aux protocoles des études qui sont, au final, mises en œuvre pour les soigner ?

C’est un nouveau regard sur les patients qu’a voulu impulser le SIRIC BRIO en mai 2016, en créant le groupe ASPERON & CO (Associations et patients engagés pour la recherche en oncologie & chercheurs, oncologues). Réunissant des patients et ex-patients atteints du cancer, des aidants et des bénévoles ainsi que des médecins et chercheurs, ce groupe vise à percer les cloisons entre la recherche contre le cancer et les patients qui en bénéficient. Pour Nathalie Caplet, responsable « Médiation scientifique et implication des patients » au SIRIC BRIO, « c’est un enjeu de démocratie sanitaire. Le patient a un rôle à jouer en tant qu’acteur du système de santé et partenaire de la recherche ». Et pour cela, pas besoin d’être des « patients experts », formés à l’université sur leur pathologie. « Ce que les patients partenaires apportent, c’est leur regard, leur expérience de la maladie », précise Nathalie Caplet.

Selon elle, les savoirs sont complémentaires entre médecin et patient : « Chacun peut avoir son rôle, même si les schémas sont assez figés historiquement ». Ce décloisonnement débute en avril 2017 avec plusieurs événements organisés autour du thème « Dr Recherche et M. Patient ». Le dialogue s’amorce et des pistes de collaboration concrètes émergent : l’intégration de patients dans des projets de recherche pilotes et dans des comités de gouvernance, qui demanderont un recrutement particulier. Des actions transversales plus ouvertes se dessinent aussi, avec des patients déjà prêts à s’engager.

Créer un système en accord avec les patients

C’est le cas d’Hélène. À l’âge de 46 ans, elle est diagnostiquée d’un cancer du sein. Travaillant depuis presque 30 ans dans l’industrie pharmaceutique, cette patiente a tout de suite eu un regard différent sur le parcours de soins, grâce à sa connaissance du milieu. Après sa rémission, son oncologue la rappelle pour lui proposer d’accompagner des malades. « Ce sont leurs témoignages qui m’ont poussée à agir », avoue-t-elle. Cette membre fondatrice d’ASPERON & CO sait quoi dire quand une patiente lui confie que son mari « ne veut plus la voir, qu’il passe son temps à la salle de sport. » Elle explique, guide, rassure. Et entre ainsi dans un système de patients référents. Avec son implication dans la structure et son expérience de patiente qu’elle partage déjà avec les malades, Hélène va s’investir dans un groupe de travail portant sur les échantillons. Aujourd’hui, beaucoup de prélèvements conservés dans les tumorothèques ne peuvent pas être utilisés, faute d’accord - et de connaissance - des patients, ce qui complique les travaux de recherche.

Composé de patients et de professionnels, ce groupe de travail consiste à informer les malades, récolter leurs avis et faire évoluer le système en fonction de ces retours. L’objectif ? Créer un système en accord avec les patients pour améliorer le quotidien des chercheurs. Pour mener à bien cette mission, « il faut une distance suffisante avec sa maladie », explique Hélène, « on n’est pas là pour raconter son histoire ». Pour éviter des risques de dérives évidents, les critères de sélection des futurs candidats sont très stricts, et une charte de recrutement est en cours d’élaboration pour les projets de recherche spécifiques. Avec ce dispositif ambitieux qui bouscule les codes de la santé, l’enjeu est de taille pour la recherche en cancérologie bordelaise : réussir l’intégration de ces patients « partenaires » avec BRIO !

Marine Samzun

Source : Le Quotidien du médecin: 9646