Leucémie lymphoïde chronique

Des progrès biologiques et thérapeutiques

Publié le 10/09/2010
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LA LEUCÉMIE lymphoïde chronique (LLC), la plus fréquente des leucémies de l’adulte, est définie par la prolifération monoclonale d’une population de lymphocytes matures (lymphocytes B dans 95 % des cas) avec envahissement sanguin et médullaire.

Exceptionnelle avant 50 ans, cette hémopathie a une incidence qui augmente avec l’âge. L’âge moyen au moment du diagnostic est de 70 ans pour les hommes et de 72 ans pour les femmes.

La présence d’une lymphocytose absolue (› 4.109/l) et de marqueurs de surface caractéristiques est nécessaire et suffisante pour porter le diagnostic de LLC.

Cette lymphocytose supérieure à 4.109/l doit persister depuis au moins 3 mois et comporter, à l’examen du frottis sanguin, une prédominance de cellules lymphoïdes matures de petite taille. « Dans 80 % des cas, l’hyperlymphocytose est isolée ; dans un peu moins de 20 % des cas, les patients ont des signes d’infiltration tumorale avec des adénopathies palpables et une splénomégalie, les signes d’insuffisance médullaires (anémie, thrombopénie) étant très rares d’emblée », précise le Pr Florence Cymbalista (hôpital Avicenne, Bobigny).

L’immunophénotypage des cellules lymphoïdes B permet ensuite d’établir un score immunologique (score RMH), en fonction de cinq critères (positivité du CD5 et du CD23, négativité du FMC7 et expression faible des immunoglobulines et du CD 22 ou du CD79b). Un score total de 4 ou 5 signe le diagnostic de LLC-B, un score inférieur à 3 exclut une LLC, mais doit faire discuter l’existence d’un autre syndrome lymphoprolifératif.

Le myélogramme, la biopsie ostéomédullaire et/ou la biopsie ganglionnaire ne sont, en revanche, pas utiles au diagnostic.

De nouveaux marqueurs pronostiques.

La classification clinique de Binet définit trois stades au moment du diagnostic : les stades A (65 % des cas) avec moins de trois aires ganglionnaires palpables, et B (28 % des cas) comportant au moins trois aires ganglionnaires palpables en l’absence d’anémie et de thrombopénie et le stade C avec anémie (hémoglobine < 10 g/dl) et/ou thrombopénie (nombre de plaquettes inférieur à 10.109/l ).

Cette classification a jusqu’à maintenant été le « gold standard » pour guider la stratégie thérapeutique. Toutefois, elle ne permet pas de prédire l’évolutivité de la maladie.

Or, 40 % des patients initialement au stade A vont évoluer rapidement vers les stades B et C et 50 % auront besoin d’être traités alors que les autres vont rester stables et non évolutifs pendant des périodes très prolongées.

Depuis une dizaine d’années, de nouveaux marqueurs à valeur pronostique ont été identifiés : le temps de doublement des lymphocytes, la thymidine kinase sérique, la ß2 microglobulinémie, le CD23 qui reflètent la masse tumorale et/ou sa capacité proliférative. « Mais ce sont les caractéristiques immunophénotypiques, chromosomiques et moléculaires du lymphocyte tumoral qui constituent actuellement les outils pronostiques les plus performants », souligne le Pr Véronique Leblond (groupe hospitalier Pitié- Salpêtrière, Paris).

Schémas décisionnels.

En cas de stade A, de stade B peu tumoral et non évolutif, de stade C avec thrombopénie modérée et stable, il est nécessaire de répéter l’évaluation clinique à 3 mois puis tous les 6 mois et d’apprécier le temps de doublement des lymphocytes par la réalisation de trois hémogrammes successifs sur une période de 12 mois. Les marqueurs de prolifération (thymidine kinase ou CD23 soluble) sont informatifs, mais ne sont pas utilisés de façon systématique. En attendant les résultats des études prospectives en cours, les autres facteurs pronostiques (profil mutationnel, expression de ZAP-70, analyse cytogénétique…) ne sont pas indiqués en routine.

Chez les patients au stade T tumoral, ou au stade C avec cytopénie évolutive ou profonde, ou au stade A en présence de critères d’évolutivité (augmentation de la lymphocytose avec temps de doublement des lymphocytes inférieur à un an, apparition de nouvelles adénopathies, splénomégalie, cytopénie), un traitement est nécessaire. Il devra être précédé d’un bilan (recherche de comorbidités, scanner thoraco-abdominal et pelvien), bilan d’hémolyse, sérologie des hépatites B et C, recherche de del(11q) et del(17p) par FISH.

Des avancées thérapeutiques majeures.

Des progrès thérapeutiques importants ont été réalisés ces dernières années avec l’association des anticorps monoclonaux à la chimiothérapie.

Aujourd’hui, chez un patient sans comorbidité et sans anomalie chromosomique, le traitement de première ligne repose ainsi sur l’association de fludarabine, de cyclophosphamide et d’un anticorps monoclonal, le rituximab, pendant 6 cycles mensuels. Cette association donne les meilleurs résultats en termes de réponses moléculaires et immunophénotypiques complètes et de durée de réponse, mais son utilisation est limitée en raison d`une toxicité hématologique importante. Chez les patients ayant des comorbidités sévères ou chez les sujets âgés, de nouvelles options thérapeutiques sont en cours d’évaluation. Actuellement, les associations fludarabine-cyclosphophamide ou fludarabine-cyclophosphamide-rituximab sont à privilégier, en adaptant les doses à la fonction rénale et/ou en diminuant le nombre de cycles.

Le chloraminophène, qui ne permet pas d’obtenir de réponse complète, ne sera proposé qu’aux patients ne pouvant tolérer les traitements mentionnés ci-dessus.

Chez un patient avec anomalie chromosomique de mauvais pronostic, répondant insuffisamment à un traitement comprenant la fludarabine et des agents alkylants, le recours à l’alemtuzumab est recommandé, seul ou associé aux corticoïdes à forte dose.

En cas de rechute, l’utilisation de nouveaux agents comme la bendamustine doit être envisagée. D’autres produits (lénalidomide, flavopiridol) et d’autres anticorps monoclonaux (ofatumumab) sont en cours d’évaluation. L’autogreffe ou l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques sont à discuter chez les sujets les plus jeunes ayant des facteurs de mauvais pronostic.

D’après la session « Prise en charge de la leucémie lymphoïde chronique en 2010 » présidée par le Pr Véronique Leblond (Hôpital Pitié-Salpêtrière Paris).

 Dr MICHELINE FOURCADE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8812