Cancers digestifs

Des progrès marquants

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Publié le 20/11/2020
La prise en charge des cancers digestifs a récemment été marquée par l’arrivée de l’immunothérapie dans les tumeurs de l’œsophage, la désescalade thérapeutique dans le cancer du côlon (CC) non métastatique, les promesses de l’analyse moléculaire…

Crédit photo : phanie

Dans le CC non métastatique, l’étude IDEA n’ayant pu démontrer la non-infériorité de 3 mois de chimiothérapie adjuvante (versus 6 mois), un large consensus propose dans les stades III T1-3 N1 de se limiter à 3 mois de chimiothérapie avec les schémas FOLFOX ou CAPOX. Dans les stades III T4 et/ou N2, on peut envisager de réduire le protocole CAPOX à 3 mois, la durée restant de 6 mois avec le schéma FOLFOX (3 mois étant délétères en termes de survie). Un changement de pratique qui permet de diminuer significativement la toxicité, notamment neurologique de l’oxaliplatine.  

Une stratégie basée sur les altérations moléculaires

Dans les cancers colorectaux métastatiques (CCRm), si on n’a que peu progressé concernant les cytotoxiques, la recherche systématique de plusieurs altérations moléculaires permet d’optimiser la stratégie thérapeutique : les mutations de RAS (qui représentent 40 % des CCR métastatiques et contre-indiquent l’usage des anti-EGFR), de BRAF (8 %) et le phénotype d’instabilité des microsatellites (5 %). On ne dispose pas encore d’un traitement ciblant les mutations de RAS, en dehors de la très rare mutation KRAS G12C (3 % des CCRm) ciblée par un inhibiteur spécifique donnant des résultats très prometteurs.  

Les CCRm BRAF mutés sont de très mauvais pronostics et répondent moins bien à la chimiothérapie. Si les inhibiteurs de BRAF sont inefficaces en monothérapie, l’étude  BEACON vient de montrer que l’association  anti-BRAF et anti-EGFR en 2e ou 3e ligne augmente le taux de réponse ainsi que la survie des patients, la triple inhibition ajoutant un anti-MEK n’apportant pas de bénéfice majeur. L’association anti-BRAF et anti-EGFR est désormais disponible via une ATU en 2e ligne de traitement des CCRm BRAF mutés. Enfin, dans les rares cas d’amplification de HER2 (3 % des CCRm), un nouvel anticorps anti-HER2 conjugué à l’exatecan permet d’obtenir 30 % de réponse après échec à toutes les lignes de traitements. « On voit l’importance de rechercher  systématiquement les altérations moléculaires, même rares, dès lors qu’on peut les cibler avec un traitement efficace », insiste l’oncologue. 

L’ADN circulant, facteur pronostique puissant

Si les biomarqueurs identifiés dans le CC n’ont pas véritablement émergé en pratique courante, la mesure de l’ADN circulant pourrait changer la donne à l'avenir. En effet, sa détection dans le plasma après chirurgie curative est corrélée au pronostic de façon très discriminante. Actuellement, on sait que 40 % des CC de stade III sont guéris par la chirurgie seule, mais tous les patients reçoivent néanmoins une chimiothérapie pour réduire le risque de récidive. On pourrait envisager d’instaurer une chimiothérapie en fonction de la présence ou non d’ADN circulant en postopératoire. De même dans les stades II, où l’efficacité de la chimiothérapie adjuvante n’est pas démontrée. Des essais sont en cours pour valider cette stratégie. Dans les stades III, une étude va comparer, lorsque l’ADN circulant reste détectable à la fin de la chimiothérapie adjuvante, une surveillance jusqu’à détection radiologique d’une récidive ou une chimiothérapie alternative d’emblée.   

L'approche néoajuvante dans les tumeurs rectales

Dans le cancer du rectum non métastatique, le standard dans les T3 ou N+ repose sur une radio-chimiothérapie néoadjuvante de 5 semaines, puis une chimiothérapie adjuvante dont l’efficacité n’est pas formellement démontrée. L’essai PRODIGE 23 a comparé le standard à une chimiothérapie néoadjuvante par FOLFIRINOX pendant 3 mois, laquelle augmente significativement la survie sans récidive (SSR) à 3 ans ainsi que le taux de stérilisation de la tumeur, sans impact délétère sur la chirurgie. L’étude RAPIDO, évaluant une radiothérapie sur 2 semaines suivie d’un schéma FOLFOX ou CAPOX pendant 18 semaines avant la chirurgie, montre une amélioration du taux de réponse histologiquement complète et de la SSR métastatique. «L’approche «total neoadjuvant treatment», réalisant toute ou partie de la chimiothérapie avant la chirurgie, constitue un changement total de paradigme », se félicite la Dr Valerie Boige. 

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr