Des « virus chimiques » livrent des molécules dans les cellules cancéreuses

Publié le 31/08/2015

Des chercheurs du CNRS et de l’Université de Strasbourg ont conçu un « virus chimique » capable de franchir la membrane lipidique des cellules pour livrer des molécules directement dans le milieu intracellulaire.  Leurs travaux sont publiés dans la revue « Angewandte Chemie International Edition ».

Preuve de concept confirmée

Dans leurs expériences in vitro, les auteurs ont réussi à transférer une protéine, la caspase 3 – impliquée dans l’apoptose cellulaire – à l’intérieur de lignées de cellules cancéreuses, induisant 80 % de mort cellulaire.

« C’est un modèle que nous avons mis en place pour démontrer la preuve de concept. Nous travaillons désormais à délivrer des anticorps qui ciblent des épitopes intracellulaires, des récepteurs nucléaires par exemple, et d’après nos premiers résultats ça a l’air de marcher », précise au « Quotidien » l’auteur senior de l’étude, le Dr Guy Zuber, du laboratoire de conception et application de molécules bioactives du CNRS.

Deux polymères qui reconnaissent la membrane cellulaire

Pour mettre en place ce système de livraison inédit, les chercheurs ont synthétisé deux polymères capables de s’auto-assembler, ou au contraire de se dissocier, en fonction des conditions. Concrètement, le premier polymère (pGi-Ni2+) sert de support aux protéines à délivrer. Le second polymère (π-PEI), récemment breveté, encapsule cet ensemble grâce à ses charges positives qui se lient aux charges négatives du premier polymère. Le complexe obtenu, qui mesure 30 à 40 nanomètres de diamètre, est alors capable de reconnaître la membrane cellulaire et de s’y lier.

« Pour l’instant, nos complexes se lient aux cellules de manière aspécifique par interaction électrostatique avec les récepteurs héparanes sulfates de la membrane cellulaire, impliqués dans les interactions cellule-cellule, explique le Dr Zuber. Par contre, on a remarqué que les cellules cancéreuses accumulent bien plus de "virus" par rapport à d’autres types cellulaires. Mais nous n’avons pas encore essayé de les cibler de manière spécifique. Cela sera pour une prochaine étape. »

Cette liaison avec le récepteur de membrane déclenche la formation d’un endosome et l’entrée du virus synthétique dans le compartiment intracellulaire. D’après les auteurs, l’acidité de ce nouvel environnement permet au polymère π-PEI de faire éclater l’endosome, ce qui libère son contenu dans la cellule.

La preuve de concept réalisée, une prochaine étape consistera à tester ce système de manière approfondie in vivo, chez l’animal, pour étudier sa toxicité.

Clémentine Wallace

Source : lequotidiendumedecin.fr