Dr Amandine Maulard : « On peut proposer une chirurgie moins invasive dans le cancer du col utérin à bas risque »

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Publié le 05/04/2024
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Chez des patientes sélectionnées atteintes de cancer du col de l’utérus à bas risque et de petite taille, l’hystérectomie simple est une alternative à la chirurgie élargie, sans excès de récidive à trois ans mais avec une morbidité moindre. « C’est une avancée au bénéfice des femmes en pratique clinique », commente la Dr Amandine Maulard (Institut Gustave Roussy, Villejuif).

Dr Amandine Maulard (Institut Gustave Roussy, Villejuif)

Dr Amandine Maulard (Institut Gustave Roussy, Villejuif)

Lors de cancer du col de l’utérus à bas risque, des données rétrospectives suggèrent que l’incidence de l’infiltration des paramètres est faible. Ce qui pose la question de la nécessité, ou non, d’une hystérectomie radicale chez ces patientes. Seule une étude randomisée pouvait clairement y répondre. C’est chose faite, avec un essai récemment paru dans le NEJM comparant hystérectomie radicale versus hystérectomie simple (1). Ses résultats montrent, qu’à trois ans, les deux stratégies font jeu égal en termes de récidives pelviennes. Cela, avec un bénéfice très intéressant au regard des complications urinaires dans le bras hystérectomie simple.

« Les recommandations nationales et internationales préconisent de faire, au-delà du stade IA2, une colpohystérectomie élargie aux paramètres, c’est-à-dire de les retirer jusqu’au croisement de l’uretère et d’enlever 1 à 2 cm de vagin », rappelle la Dr Amandine Maulard (Institut Gustave Roussy, Villejuif). Mais plusieurs études rétrospectives ont montré que l’incidence de l’infiltration des paramètres est faible, de l’ordre de 1 %, dans les petits stades - chez des patientes bien sélectionnées présentant un cancer du col de l’utérus de moins de 2 cm, avec une invasion stromale limitée à 10 mm, sans embole ni atteinte ganglionnaire. Et, toujours sur ces bases rétrospectives, on n’avait pas mis en évidence de différence en survie entre celles ayant eu une hystérectomie simple ou radicale (une colpohystérectomie élargie). Or, cette dernière est grevée d’une importante morbidité périopératoire, essentiellement urinaire.

Des complications urinaires handicapantes

Une désescalade, permettant de réduire cette morbidité, paraissait donc intéressante, sous réserve de ne pas grever le pronostic. Est-ce vraiment le cas ? C’est ce qu’explore cet essai randomisé (1). « Aujourd’hui, il montre que le taux de récidive pelvienne dans ces petits cancers est faible à 4,5 ans de suivi médian — avec toutefois jusqu’à 10 ans de recul chez certaines patientes. Et, surtout, qu’il n’est pas majoré lorsqu’on se restreint à une hystérectomie simple », résume la Dr Maulard. Dans le même temps, la colpohystérectomie simple est associée à un bénéfice important sur le plan des complications urinaires, par comparaison à la colpohystérectomie élargie, dans laquelle jusqu’à une femme sur dix nécessitera des autosondages. « Pour rappel, il s’agit souvent de femmes jeunes : 40 % des cas sont diagnostiqués avant l’âge de 50 ans, l’âge médian au diagnostic est de 53 ans et l’incidence est maximale entre 45 et 49 ans. Nous avons donc désormais adopté cette stratégie chez ces patientes sélectionnées. C’est une importante avancée en pratique clinique, à condition de bien sélectionner les patientes (2) », conclut la spécialiste.

Un essai de non-infériorité sur 700 femmes, dont plus d’une sur neuf en stade IB1

Cette étude randomisée multicentrique a été lancée à l’initiative du groupe canadien d’études en cancérologie (CCGT). C’est un essai de non-infériorité sur le critère primaire de récidive pelvienne à trois ans. Toutes les femmes incluses présentaient un cancer du col utérin de stade IA2-IB1 à bas risque, d’une taille inférieure à 2 cm, avec une invasion stromale limitée à 10 mm et sans envahissement ganglionnaire.

Entre décembre 2012 et novembre 2019, 700 femmes ont été recrutées dans 130 centres répartis sur 12 pays. De 43 [24-80] ans d’âge médian, elles ont en grande partie moins de 50 ans (70-77 %) et sont en bon état général (Ecog : 0, 96 %). Une vaste majorité ont une tumeur de stade IB1 (91-92 %), quasi les deux tiers des tumeurs sont de type squameux et plus de la moitié de grade 1-2 (59 %).

Après un suivi médian de 4,5 ans, l’incidence des récidives pelviennes à 3 ans est rare : 2,17 % dans le bras hystérectomie radicale, versus 2,52 % dans le bras hystérectomie simple, ce qui répond au critère de non-infériorité.

Côté complications urinaires, l’hystérectomie simple est associée à un réel bénéfice. L’incontinence urinaire atteint 2,4 % des patientes dans le bras hystérectomie simple, versus 5,5 % dans le bras hystérectomie radicale (p = 0,048) un mois après chirurgie, et ce bénéfice se maintient dans le temps puisque, passé quatre semaines, on est à 4,7 % versus 11 % d’incontinence (p = 0,003).

Sur la rétention urinaire, le bénéfice est encore majoré. Elle touche 0,6 % des femmes du bras hystérectomie simple versus 11 % du bras hystérectomie radicale à 4 semaines, taux qui restent assez stables après un mois (0,6 % vs 11,1 % ; p< 0,001).

D’après un entretien avec la Dr Amandine Maulard (Institut Gustave Roussy, Villejuif)

(1) M Plante et al. Simple versus Radical Hysterectomy in Women with Low-Risk Cervical Cancer. NEJM 2024 ;390:819-29

(2) PT Ramirez. When Less Is More : The Importance of Patient Selection. NEJM 2024; 390:861-862

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr