CBNPC localement avancés mutés EGFR : nouvelle percée de l’osimertinib
Dans les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) localement avancés (stade 3) mutés EGFR, la radiochimiothérapie n’est pas suivie d’immunothérapie — le bénéfice de celle-ci n’ayant pas été démontré. L’étude de phase 3 Laura a comparé en double aveugle dans ce contexte, la simple surveillance versus un traitement de consolidation par osimertinib (un anti-EGFR) jusqu’à progression, chez les patients n’ayant pas progressé sous radiochimiothérapie (1). C’est une réussite. Avec le traitement de consolidation, la survie sans progression passe de 5,6 à 39 mois, soit une énorme avancée même si le bénéfice reste à la confirmer en termes de survie globale (données immatures).
« Cela devrait profondément modifier la prise en charge des patients localement avancés EGFR mutés, commente le Dr Charles Naltet (hôpital Paris Saint Joseph, Paris). Seule réserve : l’absence de TEP scanner systématique dans le bilan d’extension de la maladie, sous-estimant peut-être le stade initial de la maladie de certains patients. »
Enfin, la question de la durée optimale de traitement, menée ici jusqu’à progression, reste ouverte. Quelques années de traitement pourraient-elles être suffisantes ?
CBPC localement avancés : oui à l’immunothérapie
Les cancers bronchiques à petites cellules (CBPC) localement avancés relèvent eux aussi d’une radiochimiothérapie concomitante, fondée ici sur un doublet à base de platine. Malgré ce traitement, plus de deux tiers des patients récidivent, avec des survies malheureusement limitées.
L’étude de phase 3 Adriatic présentée à l’Asco pose la question d’un traitement de consolidation par durvalumab (immunothérapie anti-PDL1) pendant deux ans dans ces tumeurs. Elle met en évidence un gain de survie médiane, de 33 à 55 mois (2).
« C’est la première fois qu’on montre un bénéfice aussi important de l’immunothérapie dans les CBPC. Soit un réel progrès qui devrait venir modifier les pratiques », rappelle le Dr Naltet.
CBNPC ALK : le roi lorlatinib
À Chicago, était aussi présenté le suivi à cinq ans de l’étude Crown qui évaluait, chez les patients d’emblée métastatiques avec fusion ALK, le lorlatinib, anti-ALK de 3e génération, versus crizotinib, produit de 1re génération. À 5 ans, le bénéfice est majeur, 60 % des patients étant toujours sous lorlatinib, versus 8 % pour le crizotinib (3). Et la survie sans récidive médiane n’est pas encore atteinte sous lorlatinib.
« Soit un bénéfice encore jamais vu, lié sûrement à la plus grande spécificité de cet anti-ALK, à son affinité cérébrale très importante et à son activité préventive sur les mécanismes de mutation secondaires (résistance) du gène ALK », explique le Dr Naltet.
Anticorps bispécifiques : données encourageantes avec l’ivosecimab
L’étude Harmoni-A évaluait en 2e ligne l’ivonescimab, un anticorps bi-spécifique, ciblant à la fois le récepteur PD1 (soit une immunothérapie) et le VEGF (donc un antiangiogénique).
L’étude portait sur des CBNPC métastatiques présentant une mutation EGFR et ayant progressé après anti ITK-EGFR (4). Les deux bras ont été randomisés pour recevoir soit l’ivonescimab soit un placebo, associés à quatre cycles de chimiothérapie de référence (carboplatine pemetrexed), suivis d’une phase de maintenance où ils étaient associés au pemetrexed.
Les résultats en survie sans progression sont favorables, avec une augmentation de plus de 50 % de la survie, passant de 4,8 à 7,1 mois (RR = 0,46, p < 0,001). « Cette étude portait sur une population exclusivement chinoise. Des études de confirmation sur d’autres populations sont en cours. C’est néanmoins probablement une avancée, bien que l’on ne sache aujourd’hui pas ce qui porte le bénéfice : l’ajout d’un anti-PD1, d’un anti-VEGF ou l’association des deux, explique le Dr Naltet. Pour mémoire, l’étude IMpower151, testant précédemment dans cette même population un anti-PDL1 plus un anti-VEGF, en sus de la chimiothérapie, n’avait de son côté pas montré de bénéfice. »
Anticorps immunoconjugués : résultats mitigés
L’étude Evoke-01 testait, dans les CBNPC métastatiques ou avancés, en 2e ou 3e ligne après échec d’une chimio-immunothérapie, le sacituzumab-govitecan, un anticorps immunoconjugé — associant une chimiothérapie et un anticorps anti-trop2, antigène largement surexprimé dans les cancers bronchiques — versus taxotère et ce, quel que soit le statut Trop2 et PDL1. L’étude était stratifiée sur le statut épidermoïde ou non épidermoïde. Les résultats sont non significatifs en survie globale (9,8 vs 11,1 mois, NS) avec un taux de réponse étonnamment bas pour l’anticorps immunoconjugé et un taux de réponse relativement important sous taxotère (5).
« C’est un échec qui doit faire réfléchir sur la variabilité des réponses, en fonction non seulement de l’anticorps immunoconjugué mais aussi du linker chimio-Mab et des potentiels mécanismes de résistance mis en œuvre », analyse le Dr Naltet. Il faudra donc sûrement à l’avenir rechercher, comme dans Icarus, des biomarqueurs de réponse.
CBNPC opérable : données à 4 ans du traitement néoadjuvant
Le suivi à 4 ans de l’étude Checkmate 816 testant, dans les CBNPC résécables de stade IB-IIIA, l’adjonction d’une immunothérapie néoadjuvante -nivolumab- à la chimiothérapie néoadjuvante (trois cycles avant chirurgie), est venu confirmer que le bénéfice en survie sans évènements se maintient dans le temps.
À quatre ans, on est à 49 versus 38 % (RR = 0,66) de survie sans récidive (6). La survie totale est elle-même significativement améliorée (71 vs 58 %), de même que la survie spécifique liée au cancer du poumon (79 vs 66 %). « Ce qui confirme que les stratégies péri-opératoires sont extrêmement efficaces », souligne le Dr Naltet.
Entretien avec le Dr Charles Naltet (hôpital Paris Saint Joseph, Paris)
(1) Lu S et al. Osimertinib after chemoradiotherapy in stage III EGFR-mutated NSCLC. NEJM 2024;391:585-597
(2) Spigel DR et al. Adriatic: durvalumab (D) as consolidation treatment (tx) for patients (pts) with limited-stage small-cell lung cancer (LS-SCLC). LBA5, Asco 2024
(3) BJ Solomon et al. Lorlatinib versus crizotinib in patients with advanced ALK-positive non–small cell lung cancer: 5-year outcomes from the phase III Crown study. Asco 2024
(4) L Zhang et al. Ivonescimab combined with chemotherapy in patients with EGFR-mutant non-squamous non-small cell lung cancer who progressed on EGFR tyrosine-kinase inhibitor treatment (HARMONi-A): A randomized, double-blind, multi-center, phase 3 trial. Asco 2024
(5) LG Paz-Ares et al. Sacituzumab govitecan versus docetaxel for previously treated advanced or metastatic non–small cell lung cancer: the randomized, open-label phase III Evoke-01 study. Asco 2024
(6) J Spicer et al. Neoadjuvant nivolumab (NIVO) + chemotherapy (chemo) vs chemo in patients (pts) with resectable NSCLC: 4-year update from CheckMate 816. Asco 2024
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