LES FORUMS DU QUOTIDIEN - Diagnostic et information

Du droit des patients à la démocratie sanitaire

Publié le 27/06/2012
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« LA LOI N° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner, a marqué une évolution majeure pour le respect des patients, mais aussi pour les rapports entre ces derniers et leurs médecins », explique le Dr Rachel Bocher, psychiatre à Nantes. « Cette loi n’est pas seulement d’ordre médical, elle constitue un tournant sociétal, culturel et éthique, poursuit-elle. Nous sommes passés d’une médecine paternaliste à une pratique médicale consumériste : le patient est aujourd’hui un acteur de ses soins, coresponsable et consommateur. »

Le Code de déontologie encadre le droit au diagnostic. Première règle définie par le code : pour exercer son art, le médecin doit être bien formé et suivre une formation médicale continue. Ainsi, l’article 11 précise que tout médecin doit entretenir et perfectionner ses connaissances. L’article 33 concerne plus spécifiquement le diagnostic (« La démarche diagnostique est la première étape de la prise en charge ») ; il va plus loin en stipulant que : « La faute est l’absence de diagnostic et la prescription sans discrimination d’un traitement standard. » Dans le cadre qui nous intéresse, celui de la dépression, ces articles prennent toute leur valeur, note le Dr Bocher : le diagnostic d’épisode dépressif majeur (EDM) est le prérequis à toute prescription d’antidépresseur, exception faite d’indications supplémentaires telles que les douleurs neuropathiques, par exemple.

Se donner du temps.

« Il faut prendre garde à ne pas poser le diagnostic de dépression trop rapidement », observe le Dr Alain Gérard. « Il faut se donner le temps de confirmer le diagnostic et de l’expliquer au patient, tout comme il faut lui expliquer le traitement, ce que l’on en attend et dans quel délai. »« Je ne prescris pas de traitement à la première consultation,ajoute le Pr Olié, sauf en cas d’urgence, mélancolie sévère ou risque suicidaire, mais ces cas relèvent d’une hospitalisation en urgence… »

L’article 35 du Code de déontologie concerne d’ailleurs l’information du malade. Le médecin a le devoir d’informer son patient et ce dernier a le droit à l’information, sauf en cas d’urgence ou d’impossibilité absolue. Cette information doit être « loyale, claire et appropriée ». « Les troubles mentaux ne doivent pas a priori être une raison de se taire. »

Selon le Conseil de l’Ordre (27 février 2004), « un psychiatre est, comme tout médecin, tenu au respect du Code de déontologie », et donc aux articles sus-cités concernant l’information, le diagnostic et la transparence. « Il faut s’y plier au mieux, remarque Rachel Bocher, en tenant compte de la maladie, des traitements, de l’évolution et des patients psychiatriques. » « L’information est la base du consentement qui constitue lui-même la pierre angulaire de la relation médecin malade et, plus globalement, de la pratique médicale », ajoute-t-elle. « Pour obtenir l’adhésion du patient à son traitement, une information claire, adaptée et nuancée est bien sûr indispensable. »

Pour le Pr Olié, la prise en charge du patient dépressif a évolué et la prescription doit en effet s’élaborer avec celui-ci. « Personne ne met en doute l’existence d’une pathologie dépressive, ni l’efficacité des antidépresseurs et des autres stratégies thérapeutiques, mais la prescription est différente aujourd’hui : on ne prescrit pas la pilule miracle, gage de bonheur pour le malade et assurance du diagnostic pour le praticien. La prescription se construit et se discute avec le patient. Il faut élaborer et échanger pour arriver à un consensus entre le patient et son médecin, pour que le traitement soit accepté et que le patient y adhère. »

Malgré des acquis certains, des progrès restent à faire.

Si le patient – y compris celui souffrant de troubles psychiatriques – a le droit à une information précise sur sa maladie et son traitement, une enquête menée à l’occasion de la Journée européenne des droits des patients, en avril 2011, a montré que 70 % des usagers ne connaissent pas leurs droits. Néanmoins, observe le Dr Bocher, les droits fondamentaux, notamment la dignité, l’intimité et l’égal accès aux soins, sont généralement respectés. Certains droits reconnus et approuvés par les professionnels restent pourtant à améliorer, en particulier le libre choix de l’établissement de santé, qui pose problème en psychiatrie, le droit au soulagement de la douleur, trop souvent négligé chez les patients souffrant de troubles mentaux ou encore les conditions de la fin de vie… Enfin, signale le Dr Bocher, certains droits sont imparfaitement respectés, notamment le droit à l’information directe, celui qui tient au refus de soins et au secret face aux proches et aux familles.

Et la psychiatre nantaise de conclure : « Nous sommes dans un contexte où tout bouge, à un carrefour où la voie à suivre nécessite humanisme et éthique médicale. Il faut instituer ou renforcer une véritable démocratie sanitaire avec des consultations d’éthique clinique assurant une réflexion calme, indépendante et pluridisciplinaire pour faire face aux situations complexes et extrêmes. »

D’après la présentation du Dr Rachel Bocher, CHU de Nantes, dans le cadre du Forum sur la dépression organisé par « le Quotidien du Médecin » sous la présidence du Pr Jean-Pierre Olié avec le soutien institutionnel des laboratoires Lundbeck

 Dr MARINE JORAS

Source : Le Quotidien du Médecin: 9149