Pour la 11e édition de ses prédictions* de la mortalité par cancer en Europe, établies à partir des données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et d’Eurostat, publiées dans « Annals of Oncology », l’équipe dirigée par le Pr Carlo La Vecchia (université de Milan) anticipe pour l’année en cours des baisses de mortalité, par rapport à 2015, pour les principaux cancers de 7 % chez les hommes (7,5 % au Royaume-Uni) et de 5 % chez les femmes (4,5 % au Royaume-Uni).
Parmi les exceptions, le taux de mortalité par cancer du poumon chez les femmes pourrait progresser de 6,5 % en 2021. Mais surtout, le cancer du pancréas, quatrième cancer le plus fréquent en Europe, « reste le seul à ne présenter aucun recul global au cours des deux dernières décennies », relèvent les auteurs.
Selon leurs travaux, le taux de mortalité dû au cancer du pancréas, standardisé par âge, n’a baissé que de 0,8 % chez les hommes depuis 2015 et a augmenté de 0,6 % chez les femmes sur cette période. Pourtant, « lorsque le cancer est détecté tôt, il est plus facile à traiter avec succès, mais la plupart des cas sont avancés au moment du diagnostic », rappelle le Pr La Vecchia, soulignant que la prévention (tabagisme, alcool, poids et diabète) peut influencer le pronostic d’une partie des cas.
« Les nouveaux médicaments ciblés conduisent à une amélioration du traitement, mais il est difficile de quantifier leur impact potentiel à l’heure actuelle », poursuit-il, appelant les autorités politiques et sanitaires à fournir les « ressources adéquates » pour « améliorer ces tendances dans un proche avenir ».
Près de cinq millions de décès évités en 33 ans
L’étude des tendances montre qu’elles sont globalement plutôt favorables pour les dix cancers les plus fréquents dans l’Union européenne (UE) − estomac, intestins, pancréas, poumon, sein, utérus, ovaire, prostate, vessie et leucémies. Depuis le taux maximal de décès par cancer enregistré en 1988, les chercheurs estiment que plus de 4,9 millions de décès par cancer ont été évités dans l’UE et plus d’un million au Royaume-Uni.
Ces progrès sont le résultat, expliquent-ils, des changements dans les habitudes de consommation d’alcool et de tabac, et d’un meilleur contrôle du poids, mais aussi de diagnostics plus précoces et de meilleurs traitements (notamment pour les cancers du poumon, de l’estomac et du sein).
Dans le cas du cancer du poumon, les efforts plus précoces du Royaume-Uni dans la lutte contre le tabac se traduisent aujourd’hui par une baisse de la mortalité plus marquée. « Les taux de mortalité par cancer du poumon chez les hommes sont 25 % plus bas au Royaume-Uni que dans les 27 pays européens en raison de diminutions plus précoces et plus importantes de la prévalence du tabagisme chez les hommes britanniques, note ainsi le Pr Fabio Levi (université de Lausanne), un des auteurs. Cela se reflète également dans les taux de mortalité prévus plus bas pour tous les cancers chez les hommes britanniques ».
Cette tendance n’est pas encore observée chez les femmes, en raison, est-il souligné, de leur entrée plus tardive dans le tabagisme. « Cependant, nos prévisions montrent une tendance favorable à la baisse des décès par cancer du poumon chez les femmes au Royaume-Uni, contrairement aux tendances persistantes à la hausse chez les femmes de l’UE, où les taux pourraient atteindre 16 ou 18 décès pour 100 000 femmes au cours de la prochaine décennie », poursuit le Pr Levi.
Une « marge d’action » efficace pour réduire la mortalité
La lutte contre le tabagisme doit ainsi rester une priorité pour la prévention des cancers du pancréas mais aussi des autres cancers liés au tabac, qui selon les auteurs, « représentent un tiers du total des décès par cancer dans l’UE, en particulier chez les femmes, qui affichent des tendances moins favorables ».
Des progrès peuvent par ailleurs être attendus dans le cancer du col de l’utérus, pour lequel la vaccination contre le papillomavirus humain (HPV) peut être améliorée, « en particulier en Europe centrale et orientale, qui a montré les taux les plus élevés », est-il noté. De même, les hommes polonais affichent des taux de mortalité supérieurs pour les cancers colorectaux et de la prostate, « ce qui souligne la nécessité d’améliorer la prise en charge du cancer en Pologne et probablement dans d’autres pays d’Europe centrale et orientale ».
Dans un éditorial associé à l’article (2), le Pr José Martín-Moreno de l’université de Valence et Suszy Lessof de l’Observatoire européen des systèmes et politiques de santé estiment que l’étude apporte « la preuve concrète qu’il existe une marge d’action efficace qui, avec le temps, aboutit à des résultats positifs ». Mais, les progrès observés « ne doivent pas masquer l’ombre de la pandémie de Covid-19 […] et son impact sur les patients cancéreux, écrivent-ils. Le plus inquiétant à long terme est peut-être la paralysie des programmes de prévention, de dépistage et de diagnostic précoce ».
(1) G. Carioli et al., Annals of Oncology. Feb 2021. https://doi.org/10.1016/j.annonc.2021.01.006
(2) J. M. Martin-Moreno et al., Annals of Oncology. Feb 2021. https://doi.org/10.1016/j.annonc.2021.02.001
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