Des essais de phase 1 sont envisagés

La piste d’un vaccin anti-cancer du sein

Publié le 02/06/2010
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Crédit photo : PHANIE

LA DIFFICULTÉ à développer des vaccins prophylactiques contre le cancer tient principalement au fait que les antigènes tumoraux sont des variations des propres protéines de l’individu ; s’ils étaient utilisés dans un vaccin préventif, ils entraîneraient probablement des complications auto-immunes.

L’équipe du Pr Vincent Tuohy (Lerner Research Institute et Université de Cleveland, Ohio) a défini une approche prototype d’un vaccin préventif contre le cancer en utilisant plusieurs modèles de cancer mammaire chez la souris.

L’auto-antigène choisi est l’alpha-lactalbumine, protéine de différenciation spécifique du sein ; autrement dit, elle n’est pas exprimée dans les autres tissus ; elle est exprimée en grande quantité dans la majorité des cancers du sein humains, et elle n’est exprimée sur les cellules épithéliales mammaires que durant l’allaitement.

Les chercheurs ont évalué ce vaccin contenant la version murine recombinante de l’alpha-lactalbumine d’abord chez une souris transgénique (MMTV-neu) qui développe spontanément des tumeurs mammaires, puis chez une souris (BALB/c) qui reçoit une transplantation de tumeurs mammaires (4T1).

La vaccination prophylactique des souris MMTV-neu à l’âge de 2 mois les protège complètement du cancer mammaire (alors que ce cancer est observé chez toutes les souris du groupe témoin qui ne reçoivent que l’adjuvant). Le vaccin injecté chez les souris BALB/c, 2 semaines avant la transplantation de tumeurs mammaires (4T1), inhibe également la croissance tumorale.

Ce vaccin a également une efficacité thérapeutique, inhibant la croissance de tumeurs déjà établies chez les souris BALB/c 2 et chez les souris MMTV-neu.

Les données indiquent que les effets du vaccin sont médiés par les lymphocytes T CD4+ et T CD8+ activés qui infiltrent les tumeurs.

Enfin, très important, le vaccin n’entraîne pas l’inflammation mammaire liée à l’auto-immunité.

Les années préménopausiques.

« Par conséquent, la vaccination par l’alpha-lactalbumine pourrait conférer une protection sure et efficace contre le développement du cancer du sein pour les femmes qui ont passé l’âge d’avoir des enfants, dans les années préménopausiques, lorsque l’allaitement est facilement évité et le risque de développer un cancer du sein est élevé », concluent les chercheurs.

« Nous avons profité de deux événements qui surviennent chez les femmes lorsqu’elles cessent d’avoir des enfants autour de l’âge de 40 ans. L’un est un risque accru de développer le cancer du sein, qui s’élève considérablement à partir de l’âge de 40 ans, l’autre est la réduction du besoin d’allaiter à la fin de leur période de procréation » explique au « Quotidien » le Pr Tuohy.

« Notre étude étaye la possibilité selon laquelle des femmes adultes saines, qui ont cessé d’avoir des enfants et qui n’allaitent plus, pourraient être vaccinées sans risque contre l’alpha-lactalbumine et être ainsi significativement protégées contre le cancer du sein durant les années ou le risque de ce cancer s’élève considérablement. »

L’équipe s’est déjà adressé à plusieurs organismes pour financer des essais de phase 1 visant à déterminer la sécurité, la toxicité, le dosage et les modalités de la vaccination chez des femmes ayant un cancer du sein avancé, ainsi que chez des femmes à risque accru de cancer du sein (familial et/ou génétique). « Le financement est le seul facteur limitant, et nous espérons que la publication de cette étude pourrait faciliter l’obtention de ces fonds. »

« Nous pensons que le cancer du sein est une maladie qui peut être prévenue complètement, ajoute-t-il. De façon plus large, nous entrevoyons un programme de vaccination de l’adulte visant à apporter une protection contre des maladies de l’adulte, comme le cancer du sein, le cancer de la prostate, le cancer ovarien, le cancer du colon, etc., un programme imitant les résultats enviables du programme vaccinal de l’enfant qui confère une protection contre des maladies pédiatriques comme la rougeole et la poliomyélite. Nous croyons vraiment qu’un vaccin préventif contre le cancer du sein fera au cancer du sein ce que le vaccin polio a fait à la polio. »

Nature Medicine, 30 mai 2010, Jaini et coll., DOI: 10.1038/nm.2161

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8781