L’un des enjeux de la supplémentation

La vitamine D protège du cancer du sein

Publié le 13/09/2010
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Crédit photo : BSIP

« IL N’EXISTE que trois sources de vitamine D: l’alimentation, l’exposition au soleil et les compléments alimentaires, rappelle pour le « Quotidien » le Dr Françoise Clavel-Chapelon, Inserm-Institut Gustave Roussy de Villejuif, auteur principal d’une étude sur vitamine D et cancer du sein récemment publiée dans la revue "Cancer Epidemiology, Biomarkers and Prevention". Alors que les carences en vitamine D sont très fréquentes dans nos contrées peu ensoleillées, notre étude montre que le risque de développer un cancer est de 25 % inférieur chez les femmes ayant les taux sanguins les plus élevés par rapport à celles ayant les taux les plus faibles, ce qui correspondait à des chiffres inférieurs à 20 ng/ml dans l’étude. De plus, près de trois quarts des femmes dans l’étude avaient un taux inférieur à la normale des 30 ng/ml. »

Alors que les apports alimentaires en vitamine D sont loin de couvrir les besoins nutritionnels, il n’existe pas en France d’enrichissement alimentaire des produits laitiers, comme c’est le cas dans les pays d’Amérique du Nord. Quant à l’exposition au soleil, les hivers interminables en Europe ne s’y prêtent guère. Il faudrait en effet découvrir 50 % de la surface corporelle pendant 12 minutes par jour, par temps dégagé, pour avoir l’équivalent d’un apport oral de 3 000 UI. « De toute façon, ce n’est pas une solution très raisonnable en raison des dangers pour la peau », poursuit le Dr Clavel-Chapelon.

Cohorte E3N.

Pour obtenir ces résultats, les chercheurs ont réalisé une étude cas témoins nichés, à partir de la cohorte française E3N. Ce suivi de population bien connu concerne près de 99 000 femmes de l’Éducation Nationale nées entre 1925 et 1950, c’est-à-dire qui étaient âgées de 40 à 65 ans lors du recrutement en 1990. « Il existait des discordances entre les six études déjà publiées sur le sujet dans la littérature, explique la chercheuse. Dans notre travail, nous avons évalué entre autres l’influence du statut ménopausique, de l’alimentation et des taux de calcium. » Parmi une sous-cohorte sélectionnée de 17 540 femmes, 636 cas de cancers du sein ont été identifiés puis comparés à 1 272 contrôles. L’appariement s’est fait sur l’âge, le statut ménopausique au moment du prélèvement sanguin, l’âge de la ménopause, le centre et la date. Grâce à ces ajustements, il est peu probable que la saison et la localisation géographique, qui influencent la synthèse de 25(OH)D3, aient pu modifier les résultats.

Chez les moins de 53 ans.

Les épidémiologistes ont ainsi constaté un risque diminué à 0,73 dans le tertile des femmes ayant les taux les plus élevés de 25 (OH)D3. Les concentrations de vitamine D étaient plus basses pour les cas que les contrôles (respectivement 24,4 ng/ml et 25,1 ng/ml) ; 75 % des femmes avaient un taux inférieur à 30 ng/ml et 37,5 % un taux inférieur à 20 ng/ml. À noter que l’étude n’a retrouvé aucune influence de la consommation alimentaire de calcium sur le risque de cancer du sein. Celui-ci était abaissé de façon plus marquée chez les femmes les plus jeunes, c’est-à-dire âgées de moins de 53 ans, suggérant un effet plus prononcé avant la ménopause qu’après. « Cependant, cette tendance en fonction de l’âge et du statut ménopausique n’est pas significative et reste à confirmer », tempère le Dr Clavel-Chapelon.

« Nos résultats suggèrent qu’il est bénéfique de maintenir un taux de 25 (OH)D3 supérieur à 30 ng/ml pour prévenir l’apparition d’un cancer du sein, poursuit-elle. L’enrichissement de produits alimentaires est à promouvoir auprès des agences sanitaires européennes. Pour la supplémentation par comprimés et ampoules, il est nécessaire de réaliser des études d’intervention pour confirmer ces résultats et surtout préciser les bénéfices à en attendre selon l’âge des patientes ». L’intérêt de la supplémentation en vitamine D a récemment été mis en avant dans la prévention de l’ostéoporose postménopausique. Avec ces nouveaux éléments sur le cancer du sein, il est à prévoir que les recommandations lui accordent une place allant grandissante.

Cancer Epidemioloy, Biomarkers and Prevention, 8 septembre 2010, 2341-2350.

Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8813