Plusieurs avancées thérapeutiques ont fait l’objet de présentations lors du congrès de l’American Society of Clinical Oncology (Asco), qui a débuté le 31 mai à Chicago. Lors d'une session plénière, des chercheurs de l'institut Sarah Cannon (à Nashville, dans le Tennessee), ont présenté les résultats provisoires de l’étude de phase 3 Adriatic, visant à confirmer l'efficacité du durvalumab (Imfinzi, laboratoire AstraZeneca) sur 530 patients répartis dans 19 pays.
Il s'agirait de la première fois, font valoir les auteurs, qu'une immunothérapie serait associée à une amélioration de la survie chez des patients atteints d’un cancer du poumon localisé à petites cellules, une forme de cancer très agressive avec un taux de rechute important. Environ 15 % des cancers du poumon diagnostiqués dans le monde sont des cancers à petites cellules. Le durvalumab est un anticorps monoclonal ciblant le PD-L1 et bloquant ses interactions avec les protéines PD-1 et CD80.
Dans le bras sous traitement, les patients recevaient 1 500 mg de durvalumab toutes les quatre semaines. Comparé au groupe placebo, le groupe durvalumab a présenté un risque de décès au cours du suivi significativement réduit de 27 %. Au bout de 3 ans, 57 % de patients traités étaient toujours vivants, contre 48 % dans le groupe placebo, et 46 % n'avaient pas connu de progression de la maladie. La survie médiane était quant à elle estimée à 55,9 mois dans le groupe durvalumab contre 33,4 mois dans le groupe placebo. Le risque de décès ou de progression de la maladie était réduit de 24 %, et la survie sans progression était de 16,6 mois dans le groupe durvalumab contre 9,2 mois dans le groupe placebo.
Pour le Dr David Spigel, oncologue à l'institut Sarah Cannon et l’un des investigateurs de l'étude, il s'agit d'une percée dans le domaine du cancer du poumon localisé à petites cellules. Habituellement, dans ce cancer agressif, « seulement 15 à 30 % des malades sont toujours vivants au bout de 5 ans », rappelle-t-il, soulignant que « le durvalumab est le premier traitement systémique à améliorer la survie de ces patients après des décennies de recherches infructueuses. » Des effets indésirables de grade 3 et 4 ont été rapportés chez 24,4 % des patients du groupe durvalumab et 24,2 % de ceux du groupe placebo.
L’anticorps d’AstraZeneca dispose déjà dans d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement de plusieurs types de cancer du poumon (cancer bronchique non à petites cellules localement avancé, non opérable ; cancer bronchique à petites cellules à un stade étendu). Il fait l'objet de travaux dans d'autres indications : cancers de la vessie, cancers du sein, cancers gastro-intestinaux, et autres tumeurs solides.
Nouveaux résultats à 5 ans pour le lorlatinib dans les cancers ALK positifs
Dans le cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) ALK positif, le lorlatinib a permis de réduire fortement la progression de la maladie à un stade avancé et d’augmenter le taux de survie des patients, selon des résultats présentés ce 31 mai au congrès annuel et publiés dans la revue Journal of Clinical Oncology.
Le lorlatinib est déjà approuvé dans l’indication et disponible sous le nom de Lorbrena aux États-Unis et Lorviqua en Europe, mais ces nouveaux résultats concernent un suivi des participants d'un essai clinique sur 5 ans. Plusieurs centaines de personnes atteintes de ce type de cancer du poumon particulier ont été suivies. Au bout de 5 ans, plus de la moitié des patients traités avec le lorlatinib n'ont pas vu leur cancer progresser.
Les CPNPC représentent plus de 80 % des cancers du poumon, avec des tumeurs ALK positives dans environ 5 % des cas – soit quelque 72 000 nouveaux cas dans le monde chaque année.
Environ la moitié des participants de l'essai clinique ont reçu le lorlatinib quand les autres ont reçu un médicament de génération antérieure (crizotinib). Dans le détail, 60 % des patients ayant reçu le nouveau médicament (administré sous forme orale une fois par jour) étaient toujours en vie sans progression de la maladie à 5 ans, contre 8 % des patients du groupe crizotinib.
« Nous parlons de patients atteints d'une maladie métastatique avancée, donc c'est vraiment un résultat sans précédent, a souligné Despina Thomaidou, responsable chez Pfizer. Il y a une réduction de 81 % du risque de progression de la maladie ou de décès. »
Les tumeurs ALK positives des CPNPC affectent notamment les patients jeunes et ne sont pas souvent liées à des facteurs comme le tabagisme. Alors qu’environ 25 à 40 % des personnes atteintes développent des métastases cérébrales au cours des deux premières années, le lorlatinib pénètre mieux la barrière hémato-encéphalique que les médicaments précédents, selon Despina Thomaidou. Les effets indésirables incluent des gonflements ou une prise de poids et des problèmes d'humeur.
Le sherpa de la chimiothérapie
Autre avancée à l’Asco 2024 dans le cancer du poumon non à petites cellules : le Pr David Planchard, oncologue thoracique à Gustave Roussy, a présenté les résultats intermédiaires de l’étude Icarus-Lung01, un essai préliminaire visant à évaluer l’intérêt clinique de l’anticorps conjugué anti-TROP2. Au total, 100 patients ayant un cancer métastatique et en échec thérapeutique ont été inclus. Dans 82 % des cas, il s’agissait d’un cancer épidermoïde, et dans 18 % des cas d'un cancer non épidermoïde. Le traitement a été administré par voie intraveineuse, à raison d'une perfusion toutes les trois semaines.
L’anti-TROP2 repose sur une double reconnaissance : d'une part, il se lie à la protéine TROP2, surexprimée à la surface des cellules cancéreuses, et d'autre part à la topoisomérase-1, un produit de chimiothérapie qu'il contribue à acheminer jusqu'aux cellules tumorales, maximisant ainsi son efficacité.
La liaison entre la topoisomérase-1 et l'anticorps conjugué se fait par le biais d’un « linker », un lien peptidique qui va se cliver une fois l’anticorps entré dans la cellule tumorale où il libère les molécules de chimiothérapie. Des incertitudes restent encore à éclaircir quant au mécanisme d'action : tous les anticorps ne vont pas rejoindre la cible cellulaire et une certaine quantité du médicament est relâchée dans l’environnement péri-tumoral et dans la circulation générale.
Selon les premières données, un quart des patients ont présenté une diminution des lésions d’au moins 30 %, avec un meilleur taux de réponse dans les cancers épidermoïdes (30,5 %) que dans les cancers non épidermoïdes (5,6 %). « Pour les patients répondeurs, la durée médiane de réponse est de 7 mois, précise le Pr David Planchard. Ces résultats sont d’autant plus importants que les patients inclus dans cet essai étaient en impasse thérapeutique et avaient déjà reçu les traitements standards de cette maladie ». La médiane de la survie sans progression était de 4,8 mois pour les cancers non épidermoïdes et de 2,9 mois pour les épidermoïdes.
Un facteur majeur d'efficacité pourrait être la présence d'une mutation EGFR ou BRAF, puisque le taux de réponse est de 50 % chez les premiers, avec une survie sans progression de 6,8 mois ; la réponse a également été bonne pour l'unique patient porteur d'une mutation BRAF.
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