Quatre cas en Turquie avec conservation du sphincter

Le cancer rectal opéré par le nombril avec un trocart multivalves

Publié le 19/01/2011
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APRÈS LE REIN, la cœliochirurgie par le nombril se révèle praticable pour le cancer du rectum. La leçon nous vient d’Istanbul, où des chirurgiens digestifs ont réalisé une résection, totale ou partielle, par voie ombilicale avec conservation du sphincter anal chez 4 patients ayant un cancer rectal. Développée et mise au point aux États-Unis, la technique est identique à celle utilisée par l’équipe lyonnaise du Pr Xavier Martin pour prélever un rein (voir « le Quotidien » daté du 26 février 2010). Il s’agit de la cœliochirurgie à trocart unique (« single port »). Grâce à ce trocart transombilical multi-valves, il est possible d’introduire 3 instruments et une caméra, ce qui permet de limiter le nombre d’incisions et d’obtenir une cicatrice peu apparente. Par rapport à la voie abdominale classique, la technique, comme toute chirurgie mini-invasive, permet ainsi d’obtenir une convalescence plus rapide, de reprendre l’activité professionnelle plus tôt, de réduire les douleurs postopératoires et de raccourcir la durée d’hospitalisation.

Une intervention « fleuve »

Depuis quelques années, les chirurgiens explorent des voies d’abord moins invasives, en particulier en passant par les orifices naturels. L’ombilic, en tant qu’orifice embryologique, est une option pour limiter la cicatrice. Ainsi l’accès par le nombril a été testé pour le rein mais aussi pour le côlon et le sigmoïde. C’est la première fois que la technique est utilisée pour le rectum, et, ce, pour une chirurgie carcinologique.

La durée d’hospitalisation était d’un peu plus de 4 jours (de 4,25 jours en moyenne). Les patients étaient soumis à une préparation colique préalable consistant en un régime sans résidu pendant deux jours et en l’ingestion d’une solution osmotique un jour avant l’intervention. Une anesthésie générale a été réalisée chez tous les patients, avec adjonction d’une couverture antibiotique et d’une prophylaxie thrombo-embolique. Les patients étaient placés en position de lithotomie. L’intervention était plutôt longue, d’une durée moyenne de 347 minutes. La résection du rectum était totale pour 2 d’entre eux et partielle pour les 2 autres. En moyenne, la pièce opératoire mesurait 3,5 cm et le nombre de ganglions envahis était de quinze.

Des instruments articulés et rotatifs

La méthode opératoire consiste tout d’abord à suspendre le côlon sigmoïde au quadrant latéral gauche par un point d’attache à travers l’épiploon. La manœuvre permet ainsi de réaliser la dissection médiane et la ligature vasculaire. Puis le mésorectum est disséqué avec précision jusqu’au plancher pelvien. Pour séparer le rectum du côlon proximal, des agrafeuses endoscopiques linéaires sont utilisées. Le tissu réséqué est extrait dans un petit sac à travers l’ombilic. L’anastomose est réalisée soit à l’aide d’une agrafeuse circulaire, soit par une suture « à la main » à travers.

Malgré le succès des interventions et la sécurité carcinologique, les auteurs ont rencontré quelques difficultés techniques. Pour la durée opératoire, le principal point faible, il semble qu’elle soit en rapport avec l’apprentissage de la nouvelle technique. Un autre point délicat est de libérer le rectum à l’aide d’agrafeuses endoscopiques linéaires. À ce titre, le développement d’agrafeuses flexibles rotatives et articulées (« roticulating » en anglais) devrait faciliter le geste. De leurs expériences, les auteurs ont tiré certains enseignements comme une incision ombilicale minimale d’au moins 3 cm et l’importance du caractère articulé des instruments. Réalisée à l’aide d’un matériel de plus en plus sophistiqué, la procédure mini-invasive par voie ombilicale a toutes les chances de confirmer son intérêt dans la chirurgie carcinologique digestive à plus grande échelle.

Arch Surg.2011;146(1):75-81

 Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8888