« Le surdiagnostic du cancer de la thyroïde augmente rapidement dans le monde et est devenu un grand défi de santé publique », alertent des chercheurs du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
En collaboration avec l'Institut national du cancer Aviano en Italie, ils ont analysé les registres de cancer de 26 pays sur quatre continents. Publiée dans « The Lancet Diabetes & Endocrinology », leur étude fait le constat d’une augmentation « considérable » de l’incidence du cancer de la thyroïde entre les périodes de 1998 à 2002 et de 2008 à 2012 dans tous les pays analysés.
Un surdiagnostic plus marqué chez les femmes
Une précédente étude avait estimé à plus d’un demi-million le nombre de patients surdiagnostiqués entre 1988 et 2007 dans 12 pays à revenu élevé, avec déjà une tendance à l’augmentation. Aucune étude équivalente n’avait été menée dans les pays à revenus plus faibles connaissant une transition économique rapide, comme la Chine ou la Colombie.
Si des variations sont constatées selon les pays, une constante demeure : le surdiagnostic du cancer de la thyroïde est toujours plus marqué chez les femmes d'âge moyen (entre 35 et 64 ans), malgré une prévalence et une mortalité similaires entre les sexes. Chez les patientes, la proportion de cas attribuable à un surdiagnostic en 2008-2012 variait d'environ 40 % en Thaïlande à plus de 90 % en Corée du Sud.
Dans ce pays, l'incidence chez les femmes âgées de 50 à 59 ans a plus que doublé : de 120 cas pour 100 000 femmes de ce groupe d'âge en 2003-2007 à plus de 260 cas pour 100 000 en 2008-2012. C’est « environ huit fois plus élevé que pour la période 1998-2002 (35 cas pour 100 000 femmes) », soulignent les auteurs.
En France, 83 % de surdiagnostic chez les femmes
En France, le taux de surdiagnostic chez les femmes est estimé à 83 %, ce qui correspond à 25 000 patientes entre 2008 et 2012. Dans l’ensemble des pays étudiés, « plus de 830 000 femmes pourraient avoir été surdiagnostiquées entre 2008 et 2012 », estiment les auteurs. Moins touchés, les hommes seraient tout de même plus de 220 000 à être surdiagnostiqués.
Pour les auteurs, le phénomène est la conséquence d'une surveillance accrue de la glande thyroïde et de l'introduction de nouvelles techniques de diagnostic, comme l'échographie du cou, conduisant à la détection d’un grand nombre de tumeurs non létales.
En Corée du Sud, par exemple, le surdiagnostic était une conséquence de l'examen de la thyroïde pratiqué systématiquement dans les programmes de dépistage, mais la tendance s’inverse depuis 2014.
Dans les pays où les services de santé sont principalement privés, comme c’est le cas dans de nombreux pays connaissant une transition économique, le phénomène peut être exacerbé par un manque de réglementation.
Les chercheurs du CIRC invitent les États à la vigilance et à revoir les recommandations du dépistage chez les patients asymptomatiques. Car les patients surdiagnostiqués sont exposés à « des dommages inutiles et des traitements à vie », la plupart des patients subissant notamment une thyroïdectomie totale sans parler des conséquences psychologiques de l’annonce d’un cancer. Autre conséquence, les coûts financiers générés pour les systèmes de santé pourraient détourner des ressources nécessaires aux systèmes de soins.
Mengmeng Li, et al. The Lancet Diabetes & Endocrinology. Juin 2020. doi.org/10.1016/S2213-8587(20)30115-7
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