Un avantage de tolérance

Le darolutamide, une hormonothérapie nouvelle génération dans le cancer de la prostate

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Publié le 22/09/2020
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Après avoir montré un bénéfice sur la survie sans métastases, le darolutamide se révèle aussi bénéfique en termes de survie globale chez des patients atteints de cancer de la prostate non métastatique résistant à la castration. L'étude ARAMIS met également en évidence un profil de sécurité remarquable en cancérologie.
Une augmentation significative de la survie à trois ans

Une augmentation significative de la survie à trois ans
Crédit photo : Phanie

Le darolutamide, une hormonothérapie de nouvelle génération, augmente de manière significative la survie à trois ans chez les patients atteints de cancer de la prostate non métastatique résistant à l'hormonothérapie classique. C'est ce que montre l'étude ARAMIS (1), parue dans le « New England Journal of Medecine » et dont les résultats ont été présentés lors du congrès de l'American Society of Clinical Oncology (ASCO) qui s'est déroulé virtuellement en mai dernier.

« L'étude ARAMIS, qui montre un bénéfice très important du darolutamide et un profil de tolérance remarquable, est le premier essai comparatif à évaluer ce médicament », indique au « Quotidien » le Pr Karim Fizazi, oncologue médical à Gustave Roussy et premier auteur de l'étude.

Le darolutamide appartient à la famille des inhibiteurs du récepteur aux androgènes. Son mode d'action diffère des médicaments d'hormonothérapie classique qui agissent en empêchant la production d'androgènes par les testicules. « Toutefois, d'autres androgènes sont fabriqués ailleurs, notamment par les glandes surrénales, et ces androgènes, malgré l'hormonothérapie traditionnelle, sont capables de stimuler les récepteurs des androgènes au niveau des cellules tumorales, ce qui entraîne leur prolifération », détaille le Pr Fizazi. En ciblant directement les récepteurs aux androgènes des cellules tumorales, le darolutamide empêche ainsi la stimulation par les androgènes et donc la prolifération cancéreuse.

Diminution du risque de métastases

L'étude ARAMIS a été menée dans 409 centres de 36 pays et a inclus 1 509 patients, répartis en deux groupes : un groupe recevant du darolutamide (955 patients), le second un placebo (554). Pour être inclus, les patients devaient présenter un taux de PSA augmentant de manière rapide (reflétant une rechute grave) et ne pas présenter de métastases à l'imagerie. Tous les patients continuaient de recevoir un traitement par hormonothérapie classique.

En février 2019, l'analyse primaire de l'étude a été présentée lors d'un congrès de l'ASCO dédié aux cancers-urogénitaux et avait également fait l'objet d'une publication dans le « NEJM » (2), avec un gain en termes de médiane de survie sans métastases de près de deux ans (critère de jugement principal) : la médiane de survie sans métastases était de 40,4 mois dans le groupe darolutamide contre 18,4 mois dans le groupe placebo. Ce qui correspond à une diminution du risque de 59 %.

« Nous avons ensuite continué le suivi pour évaluer la survie globale », explique le Pr Fizazi. Le double aveugle a alors été levé, et 170 patients du groupe contrôle ont pu être intégrés au groupe darolutamide. Le suivi a duré 11 mois de plus, avec ainsi un suivi médian total de 29 mois. À trois ans, le taux de survie était de 83 % parmi les patients recevant l'hormonothérapie de nouvelle génération et de 77 % parmi les patients ayant reçu du placebo (soit une diminution du risque de décès de 31 %).

Un atout sur ses deux prédécesseurs

Par ailleurs, « le profil de sécurité du darolutamide est assez exceptionnel pour un traitement de cancérologie », s'enthousiasme le Pr Fizazi. Comparé aux autres médicaments de la même classe, l'enzalutamide et l'apalutamide, le darolutamide ne franchit pas la barrière hémato-encéphalique, ce qui empêche la survenue de certains effets indésirables. « Ces deux médicaments peuvent entraîner une fatigue intellectuelle, des troubles de la concentration et de la mémoire ou encore des chutes chez les personnes âgées, mais rien de tel n'a été observé avec le darolutamide », poursuit l'oncologue.

Avant l'arrivée de l'enzalutamide et l'apalutamide, dont l'efficacité a respectivement été mise en évidence dans les études PROSPER et SPARTAN, « ces patients atteints de cancer de la prostate non métastatique résistant à la castration se retrouvaient dans une situation très inconfortable, sans option thérapeutique », rappelle le Pr Fizazi. Si les trois inhibiteurs du récepteur aux androgènes montrent des résultats similaires en termes d'efficacité chez ces patients, le darolutamide se démarque par son profil de tolérance.

« Ces résultats ouvrent la voie à une autorisation de mise sur le marché dans cette indication. Un dossier est en cours d'évaluation », avance le Pr Fizazi. Par ailleurs, le darolutamide est en cours d'évaluation chez des patients atteints de cancer de la prostate métastatique cette fois et résistant à la castration dans l'étude de phase III ARASENS, où il est associé au docétaxel en plus des traitements standards.

(1) K. Fizazi et al., NEJM, DOI: 10.1056/NEJMoa2001342, 2020.
(2) K. Fizazi et al., NEJM, DOI: 10.1056/NEJMoa1815671, 2019.

Charlène Catalifaud

Source : Le Quotidien du médecin