Télésuivi des patients sous anticancéreux oraux

Le dispositif CAPRI de Gustave Roussy réduit de 25% les effets secondaires sévères

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Publié le 09/06/2020

CAPRI, un programme de télémonitoring, améliore le suivi clinique de patients traités par thérapies anticancéreuses orales. Sélectionnée pour les « Highlights of the Day » du congrès virtuel de l’ASCO (29-31 mai), l’étude montre une diminution significative des effets secondaires, du nombre et de la durée des hospitalisations liées aux toxicités.

Il est possible de retrouver diverses informations relatives au  parcour du patient, sa maladie et ses traitements

Il est possible de retrouver diverses informations relatives au parcour du patient, sa maladie et ses traitements
Crédit photo : Phanie

Si la télémédecine prend actuellement un essor sans précédent avec la crise du Covid-19, le télésuivi des patients sous anticancéreux a été ces dernières années l’objet de plusieurs études au congrès américain d’oncologie (ASCO).

En 2017, l'essai du Pr Ethan Basch (1) mettait en évidence une amélioration en survie globale des patients sous chimiothérapie grâce au suivi en ligne. Lors de l’édition 2018, une étude française dans le cancer du poumon démontrait une augmentation de la survie de sept mois, avec l’application MoovCare (2). Cette année, le programme CAPRI développé par Gustave Roussy depuis 2015 entérine l’intérêt du télésuivi en cancérologie (3).

75 % des interventions gérées par les infirmières

L’interface numérique CAPRI (plateforme internet et application mobile) permet au patient inscrit, ainsi qu’au personnel soignant extérieur désigné (médecin traitant, pharmacien…), de retrouver diverses informations relatives à son parcours, sa maladie et ses traitements. Il peut enregistrer ses rendez-vous et transmettre toute donnée relative au suivi de son traitement à une équipe de deux infirmières de coordination, spécialement formées. Par téléphone ou messagerie sécurisée, celles-ci assurent pendant un mois et demi un suivi hebdomadaire de l’état général du patient, ensuite peu à peu espacé. « Dans 75 % des cas, les interventions ont pu être gérées par les infirmières, sans recours à l’oncologue référent. Nous leur avons donné les outils pour prendre les bonnes décisions et être autonomes », précise le Dr Olivier Mir, oncologue à Gustave Roussy. En effet, à chaque alerte, elles se réfèrent à un arbre décisionnel permettant de définir la conduite à tenir.

Plus de 600 adultes avec différentes tumeurs solides

« 609 patients adultes, commençant un nouveau traitement oral pour tous types de cancers solides, ont été inclus dans l’étude de phase III randomisée, entre 2016 et 2019 », explique le Dr Mir. Parmi eux, 41 % avaient plus de 65 ans (14 % > 75 ans) et 47 % étaient au moins en troisième ligne de traitement pour leur maladie métastatique (39 % sous chimiothérapies orales, 61 % sous thérapies ciblées). Après six mois de suivi, la dose intensité relative (critère principal) s’est révélée significativement plus élevée avec le programme CAPRI que dans le groupe suivi standard (93,4 % vs 89,4 % ; p = 0,04).

« CAPRI permet une diminution majeure, de 25 %, des effets indésirables (EI) de grade ≥ 3 (27,6 % vs 36,9 %) », s’enthousiasme le Pr Fabrice Barlesi, directeur médical de Gustave Roussy. Il réduit aussi significativement le nombre (23 % vs 32 %) et la durée des hospitalisations (2,82 vs 4,44 jours), ainsi que la proportion de patients admis aux urgences (15,1 % vs 22 %). « CAPRI améliore l’expérience patient et augmente le recours aux soins de support (consultation douleur, nutrition) », ajoute le Dr Mir. Même si l’étude ne rapporte pas de données en termes de survie, elle met en évidence un meilleur suivi qualitatif du traitement et une prise en charge plus précoce des EI et des symptômes. « C’est un nouveau standard de prise en charge pour ces patients », annonce le Dr Mir.

CAPRI, c’est fini ?

Aujourd’hui, environ 250 patients bénéficient encore de ce dispositif soit en routine pour leur traitement oral, soit en raison de l'épidémie de SARS-CoV-2. En effet, une application CAPRI-Covid a été récemment mise en place face à la crise sanitaire. Les résultats relatifs au suivi de cette période Covid-19 pourraient être divulgués en septembre au congrès européen de cancérologie (ESMO). De plus, un essai CAPRI-2 serait envisagé afin de pousser l’analyse par type de cancers, de traitements oraux ou avec l’hormonothérapie au long cours. D’autre part, une demande de remboursement du dispositif auprès de la Haute Autorité de santé serait envisagée. « Les solutions digitales feront partie de notre futur mais il convient d’évaluer leur impact aussi rigoureusement que les stratégies médicamenteuses », conclut le Pr Barlesi.

D’après la conférence de presse de Gustave Roussy, le 27 mai 2020
(1) Basch E. et al. JAMA. 2017 Jul 11;318(2):197-8
(2) Denis F. et al. JAMA. 2019;321(3):306-7
(3) Mir O. et al. J Clin Oncol 38: 2020 (suppl; abstr 2000)

Karelle Goutorbe

Source : Le Quotidien du médecin