Le premier cas de guérison d’un cancer disséminé

Le vaccin rougeole en tête de la virothérapie oncolytique

Publié le 22/05/2014
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Crédit photo : BSIP

Il n’y a que les Américains pour gagner des paris aussi fous. L’annonce extraordinaire de la rémission en quelques jours d’une patiente condamnée par un myélome résistant après l’injection de millions de doses de vaccin contre la rougeole a ému toute la planète.

Il s’en est fallu de pas grand chose pourtant que la nouvelle vienne de France. « Les Américains ont un wagon d’avance, explique Marc Grégoire, directeur de recherche Inserm sur les stratégies thérapeutiques innovantes induisant des réponses immunitaires. Après l’avoir testé en intratumoral dans des cancers localisés, par exemple chez 25 patientes ayant un cancer de l’ovaire, ils apportent maintenant la preuve que le vaccin contre la rougeole peut être efficace en tant que traitement circulant dans un cancer disséminé ». Par la force des choses, les preuves in vitro et chez l’animal s’accumulant, les chercheurs de la Mayo Clinic se sont lancés dans le myélome, leur domaine de prédilection, chez deux patientes en échec thérapeutique.

Une infection préférentielle des cellules cancéreuses

La piste des virus oncolytiques est prometteuse. «Le vaccin contre la rougeole est le candidat le plus avancé, rappelle le chercheur. Mais d’autres virus oncolytiques sont aussi utilisés, comme HSV ou la vaccine. Ce virus atténué et modifié présente la particularité très intéressante d’avoir une porte d’entrée dans les cellules cancéreuses, le CD46». Comme les cellules cancéreuses surexpriment le réceptreur CD46 pour se protéger du système immunitaire, le virus les infecte préférentiellement. Et là s’exerce un effet toxique antitumoral avec apoptose. «Et de façon quasi exclusive, comme les chercheurs ont pu le constater chez la patiente non répondeuse grâce à la combinaison du vaccin à un traceur d’imagerie radioactif». La tolérance concernant les doses massives injectées a déjoué les craintes. «Jamais le virus n’avait été injecté à de telles doses, de l’ordre de 1011. Pour situer, le vaccin contient 104 virus et jusqu’à présent les doses administées n’ont pas excédé 5x108 , dans le mésothéliome ou le cancer de l’ovaire». Plus encore, la tolérance semble meilleure que la radiothérapie et certaines chimiothérapies.

Une course contre la montre

Même unique, la rémission obtenue soulève d’incroyables espoirs. « Il faudrait avoir le courage de passer très vite à des essais, non plus en dernière ligne, mais chez des patients en bonne forme. On pourrait se l’autoriser compte-tenu de la rapidité de la réponse. En l’absence d’effet dans les 2 à 3 semaines au maximum suivant l’injection, puisque l’effet antitumoral est observable dans les heures ou les jours, on revient à un traitement plus conventionnel ». La fenêtre d’action est très courte, puisque l’apoptose telle un boomerang est immunogène. « Il faut éviter que le système immunitaire ne se mette en retour à protéger les cellules cancéreuses. Le traitement a d’ailleurs été administré chez deux patients non immunisés contre le virus de la rougeole, c’est-à-dire n’ayant jamais eu l’infection et n’ayant pas été vaccinées ». Les chercheurs sont mis au défi de trouver des astuces pour prendre de cours le système immunitaire. « Les idées pour améliorer les performances ne manquent pas. Les Américains suggèrent d’ores et déjà de switcher le traceur radioactif pour de l’iode 131 thérapeutique. À l’Institut Pasteur, on travaille sur la piste d’une petite molécule accélérant le processus de mort cellulaire ».

Mayo Clinic Proceedings, http://dx.doi.org/10.1016/j.mayocp.2014.04.003

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du Médecin: 9329